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La cour d’appel de Paris établit une liste de médiateurs

Par LA LETTRE DES JURISTES D'AFFAIRES
Paru dans La Lettre des Juristes d'Affaires n°1344 du 02 avril 2018
Par Jeanne DISSET

La loi de modernisation de la justice du XXIe siècle prévoit que les cours d’appel établissent des listes de médiateurs. C’est ce que la cour d’appel de Paris réalise en ce moment, jusqu’au 30 avril prochain. Les juges comme les justiciables ont en effet besoin de pouvoir identifier facilement des médiateurs, ce qui n’est pas tâche aisée aujourd’hui. Une solution pour donner un élan à la médiation qui stagne, notamment au niveau judiciaire ?

Le développement de la médiation ne passera que par sa connaissance et sa reconnaissance. L’un des freins est sans aucun doute la difficulté de trouver la personne clé. Une tâche d’autant plus complexe que médiateur ne relève pas d’une profession réglementée et structurée.

En matière conventionnelle (quand les parties nomment le médiateur), si la liberté de choix reste de mise, un certain recensement, avec transparence et médiatisation, fait ses preuves. Les centres, les associations, les professions réglementées pratiquant la médiation ont d’ores et déjà constitué des listes, avec des critères clairs. Le CNB a même un site internet dédié. Pour l’Ordre, la liste des avocats médiateurs ou pratiquant la médiation est même enrichie de confrères formés au processus collaboratif.

Pour la médiation judiciaire (quand le juge invite à la médiation), la loi justice du XXIe siècle propose donc de pallier la difficulté d’accès à l’information par une liste gérée et publiée par les cours d’appel. Un modèle qui rappelle celui des experts judiciaires.

Avalanche de candidatures à la cour d’appel de Paris

Les cours ont donc entrepris d’établir les listes pour le civil, le social et le commercial, avec une rubrique spécifique pour les médiateurs familiaux. Voici trois ans que le travail a débuté, tout en s’adaptant au fur et à mesure de la publication du décret du 9 octobre 2017 et de la circulaire du 8 février 2018 (qui fixent les conditions pour figurer sur ces listes). Certaines cours ont expérimenté des solutions avec des acteurs de la médiation. La plateforme de la médiation (1) a par exemple proposé de « mettre à disposition de chaque cour d’appel des listes de médiateurs sans aucun coût pour la justice mais avec l’assurance pour les magistrats d’une sélection préalable ». La cour d’appel de Paris, devant l’affluence des candidatures, a pour sa part choisi l’échange et la concertation avec des associations. Elle a ainsi passé un accord avec des acteurs clés comme le CMAP ou l’ANM et accepté leur candidature comme « personnes morales ». Chacun de ces organismes effectuera une sélection préalable de noms, transmise à la cour et destinée à intégrer la liste globale. Mais aucune des cours d’appel ne semble, pour le moment, avoir passé d’accord avec les avocats, les notaires ou les huissiers. Ceux-ci doivent donc, s’ils ne sont pas membres d’une des associations concernées, présenter une candidature individuelle. Pour les avocats, la profession semble plus tournée vers la médiatisation de la médiation conventionnelle, même si elle reste impliquée dans les travaux de la cour.

Des critères flous ou souples ?

La crédibilité des listes (revues tous les 3 ans) suscite par ailleurs un large débat, voire la polémique. En premier lieu, certains commentateurs critiquent « une sorte de préférence, clairement énoncée, en faveur des professions réglementées/judiciaires » (2). D’autres dénoncent le paradoxe d’avoir créé un diplôme de médiateur familial mais d’accepter, dans la liste, des médiateurs familiaux non diplômés. Enfin, des voix s’élèvent pour signaler des critères retenus imprécis et trop larges. Ils sont pourtant clairement définis dans l’article 2 du décret :

1. Pas de casier judiciaire ;
2. Ne pas avoir été l’auteur de faits contraires à l’honneur, à la probité et aux bonnes mœurs ayant donné lieu à une sanction disciplinaire ou administrative de destitution, radiation, révocation, de retrait d’agrément ou d’autorisation ;
3. Justifier d’une formation ou d’une expérience attestant l’aptitude à la pratique de la médiation.

C’est ce dernier point qui est à la fois rassurant et anxiogène : la formation initiale, continue et l’expérience sont des critères clés. Mais quel apprentissage privilégier ? Il y a en effet mille et une façons de devenir et d’être médiateur. Dès lors, le savoir-faire et les systèmes de contrôle mis en place par les associations de médiateurs et les centres de médiation pourraient constituer une garantie satisfaisante. Ils savent gérer cette souplesse et cette diversité. Les cours pourraient s’en inspirer pour crédibiliser leurs listes.

En tout état de cause, « les juges demeurent susceptibles de désigner un médiateur non inscrit ». Des listes vont donc bientôt exister, mais sans obligation de les utiliser. Il faut surtout y voir la marque de la liberté et de la souplesse de la médiation, ce qui n’est pas le moindre de ses attraits.




Notes :
(1) Ses membres sont : l’Association Nationale des Médiateurs (ANM), le Centre de Médiation et d’Arbitrage de Paris (CMAP), le Club des Médiateurs de Services au Public, la Fédération Nationale des Centres de Médiation (FNCM), la Fédération Nationale de la Médiation et des Espaces Familiaux (FENAMEF), France Médiation Réseau d’Acteurs de la Médiation Sociale et l’Institut d’Expertise, d’Arbitrage et de Médiation (IEAM), soit quasi toute la planète médiation…
(2) Article Le Monde, 5 mars 2018 sur la médiation judiciaire

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