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La clarification attendue du régime applicable à l’appel d’une ordonnance de référé statuant uniquement sur la compétence

Par LA LETTRE DES JURISTES D'AFFAIRES
Paru dans La Lettre des Juristes d'Affaires n°1417 du 21 octobre 2019
Par Rémi Kleiman, associé, Manuel Tomas, counsel et Juliette Lefur, cabinet Eversheds Sutherland.

C’était le sujet que nous abordions dans ces pages1 , le régime applicable à l’appel d’une ordonnance de référé statuant uniquement sur sa compétence demeurait incertain. En effet, un doute subsistait quant au fondement applicable : soit les articles 83 et 85 du Code de procédure civile (CPC) soit les articles 905 et suivants du même code. La question est désormais tranchée par la Cour de cassation.

Aux termes d’un arrêt du 11 juillet dernier2 et d’un avis du même jour3, la Haute Cour a finalement retenu que le régime applicable est celui de l’appel particulier des articles 83 et suivants du CPC. La motivation de la décision, rendue en formation de section, ne laisse aucune part au doute : « […] il résulte des articles 83, 84 et 85 du code de procédure civile que, nonobstant toute disposition contraire, l’appel dirigé contre la décision de toute juridiction du premier degré se prononçant sur la compétence sans statuer sur le fond du litige relève, lorsque les parties sont tenues de constituer un avocat, de la procédure à jour fixe et qu’en ce cas l’appelant doit saisir, dans le délai d’appel et à peine de caducité de la déclaration d’appel, le premier président de la cour d’appel en vue d’être autorisé à assigner l’intimé à jour fixe ».

Il s’agissait de l’appel interjeté à l’encontre d’un jugement rendu par le juge de l’exécution aux termes duquel il s’était déclaré incompétent pour connaître de la demande de mainlevée d’une saisie conservatoire de créances pratiquée par l’administration fiscale. Le premier président n’ayant pas été saisi, la déclaration d’appel a été déclarée caduque.

Il résulte de cet arrêt que, quelle que soit la nature de la décision de première instance tranchant sur la compétence, en ce compris les ordonnances de référé et les décisions du juge de l’exécution, il est impératif de saisir le premier président dans le délai d’appel afin d’être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d’une fixation prioritaire. Il nous semble au demeurant significatif de relever que cet arrêt a fait l’objet de la diffusion la plus large puisqu’il a été publié tant au Bulletin des arrêts des chambres civiles qu’au Bulletin d’information de la Cour de cassation ainsi qu’au rapport annuel et sur le site internet de la Haute juridiction.

En outre, la Cour a répondu à une demande d’avis qui lui avait été posée par le Pôle 1 de la cour d’appel de Paris dans le cadre d’une affaire opposant différentes sociétés suisses et mauritaniennes. Les deux questions qui lui étaient posées étaient les suivantes :
- L’appel formé contre une ordonnance par laquelle un juge des référés ne se prononce que sur sa compétence, sans statuer sur le fond du litige, doit-il obéir aux dispositions des articles 83 et suivants du CPC ?
- Le cas échéant, l’irrecevabilité et la caducité qui résulteraient de l’application de ce régime peuvent-elles être relevées d’office ?

Aux termes de son avis du 11 juillet dernier rendu aux visas des articles L. 441-1 et suivants du code de l’organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du CPC, la deuxième chambre civile dit n’y avoir lieu à avis. Elle renvoie à la décision précitée du même jour, confirmant ainsi sa position définitive sur le sujet : le régime applicable à l’appel d’une décision statuant uniquement sur la compétence est celui des articles 83 et suivants du CPC. On peut naturellement s’attendre à ce que les juridictions du fond d’ores et déjà saisies d’une telle problématique rendent, dans les mois à venir, des décisions entérinant la position de la Cour de cassation, occasionnant de lourdes désillusions pour les parties concernées.


Notes :
(1) LJA n°1387, « Incertitudes quant au régime applicable à l’appel d’une ordonnance de référé statuant uniquement sur la compétence », par Rémi KLEIMAN, Manuel TOMAS et Juliette LEFUR.
(2) Cass. 2e civile, 11 juillet 2019, n° 18-23.617.
(3) Cass. 2e civile, 11 juillet 2019, avis n° 15011.
Cour de cassation Eversheds-Sutherland Rémi Kleiman Code de procédure civile (CPC) Manuel Tomas Juliette Lefur LJA1417