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Juristes d’entreprise : qui êtes-vous et combien gagnez-vous ?

Par Ondine Delaunay

L’AFJE vient de publier une enquête sur le profil des juristes d’entreprise et sur leur rémunération. Menée en partenariat avec le Cercle Montesquieu, elle a été réalisée de mars à juin 2019 auprès de juristes, responsables et directeurs juridiques de France. 1 120 réponses ont été récoltées, permettant à cette troisième édition de livrer des statistiques d’une grande pertinence. Revue de détails.

Tout l’intérêt de l’enquête réside dans sa comparaison aux précédentes éditions, menées en 2008 et 2015. Car en un peu plus de 10 ans, le profil et la place du juriste au sein de l’entreprise ont profondément changé.

De plus en plus de femmes juristes

Le portrait-robot du juriste a tout d’abord connu plusieurs modifications. Son âge médian est aujourd’hui de 40 ans. Il était de 39 et 36 ans dans les enquêtes de 2015 et 2008. La profession se seniorise puisque les juristes de plus de 40 ans sont plus nombreux que les plus jeunes. Pour autant, la profession est assez homogène par tranche d’âge et ces données ne constituent donc pas véritablement une rupture. La révolution se situe plus dans le genre des professionnels. Car désormais, deux juristes sur trois sont des femmes. Leur proportion a nettement progressé en 10 ans, passant de 56 % en 2008, à 67 % en 2015 et à 68 % aujourd’hui. Une augmentation de douze points en dix ans. Et cette tendance s’inscrit dans le long terme puisque l’étude note : « En 2019, les jeunes juristes de moins de 30 ans sont féminins à plus de 81 %. Elles étaient 71 % en 2008 ». Les données des diverses écoles du barreau vont d’ailleurs dans le même sens : les étudiants en droit sont de plus en plus des jeunes femmes, futures avocates ou futures juristes en entreprise.

Le positionnement hiérarchique des anciens avocats

L’enquête de l’AFJE va plus loin dans cette analyse. Elle révèle qu’un juriste sur quatre (24 %) est diplômé du CAPA. Ils n’étaient que 19 % en 2015 (+5 points en quatre ans). Si une minorité (5 %) de juristes sont titulaires du CAPA sans jamais avoir exercé la profession d’avocat, les jeunes diplômés ont dans la grande majorité des cas effectué leur début de carrière en cabinets avant de faire le grand saut en entreprise. « La plupart des juristes-avocats choisissent de quitter la profession d’avocat après trois à huit ans d’expérience, précise l’étude. Les femmes davantage que les hommes font le choix de franchir la porte des entreprises à ce moment de leur vie ». Il est en revanche intéressant de noter que seul un quart des juristes de plus de 45 ans sont titulaires du CAPA. Il s’agit donc d’un phénomène générationnel : les diplômés du nouveau millénaire ont été encouragés à multiplier les diplômes avant d’entrer dans la vie active. Leurs aînés y avaient sans doute moins été poussés, se concentrant avant tout sur des études à l’international – la proportion des juristes possédant des diplômes juridiques obtenus à l’étranger (LLM, LLB, PhD…) ne cesse d’ailleurs de baisser (8 % en 2019, contre 10 % en 2015). Et les plus jeunes, ceux de la fameuse génération Y (moins de 34 ans aujourd’hui) ont fait le choix d’entrer directement dans l’entreprise après leurs diplômes, sans avoir obtenu le CAPA (seulement 14 % sont en effet titulaires du diplôme d’avocat) (Cf. graphique ci-dessous.)

L’étude révèle aussi que les anciens avocats ont plus tendance à rejoindre des grandes entreprises. « Pour les entreprises totalisant plus de 10 milliards d’euros de CA annuel, la proportion d’avocats parmi les juristes est de 28 %, (+6 points que la moyenne des entreprises). Cette proportion tombe à 17 % (-6 points que la moyenne) dans les entreprises de taille intermédiaire dont le CA est compris entre 1 et 10 millions d’euros », est-il précisé. Dans tous les cas, le diplôme du barreau est un gage pour accéder à davantage de responsabilités. 31 % des directeurs juridiques déclarent être titulaires du CAPA. Et le nombre d’années passées en cabinet est également un point important. « Les chiffres de l’étude montrent qu’entre 3 et 15 ans de pratique d’avocat, la fonction occupée est plutôt celle de directrice/directeur juridique ; tandis qu’entre 1 et 3 années de pratique d’avocat, la fonction est plutôt celle de responsable juridique » indique l’étude.

Des rémunérations en hausse

Durant les quatre dernières années, les rémunérations des professions du droit dans l’entreprise ont connu une augmentation. Globalement, la moyenne de la rémunération des juristes en France en 2019 est de 78 512 €, contre 67 791 € en 2015 (+10 721 €, une progression de 16 % en 4 ans). Le salaire médian des juristes a pour sa part augmenté de 8 % en 4 ans passant de 59 000 € en 2015 à 64 000 € en 2019. La hausse est néanmoins plus importante pour les postes à responsabilité (Cf. graphique ci-dessous).

Un directeur juridique touche en moyenne 129 321 € de salaire fixe, contre 110 260 € en 2015 (+ 17 %). Un juriste perçoit quant à lui 50 731 € en moyenne, contre 50 113 € il y a quatre ans. Ces niveaux de rémunération satisfont les interrogés à 51 % (+19 points en quatre ans). Là où dans les années 2010, les juristes ont bataillé pour trouver leur juste place au sein de l’entreprise, pour s’imposer dans le traitement des questions stratégiques, et pour se faire rémunérer à leur juste valeur, on sent tout de même que certaines barrières sont désormais levées. Quatre juristes sur cinq ont même été augmentés durant les douze derniers mois. Dans les grandes entreprises, l’augmentation dépend de critères « objectifs » basés sur des indicateurs de performance (pour 37 % des cas), tandis que les plus petites entreprises, il s’agit d’abord de critères discrétionnaires. Bien sûr ces données n’ont rien à voir avec le statut professionnel d’homme de droit, mais plutôt avec l’organisation interne de la société. Dans tous les cas, la gratification pour les efforts fournis est donc notable.

En 2019, 82 % des juristes ont même reçu une part variable (bonus, prime, treizième mois…). Deux juristes sur trois déclarent bénéficier d’un ou plusieurs avantages annexes à leur salaire permettant de rendre leurs packages plus attractifs. Ainsi les directeurs juridiques bénéficient de deux à trois avantages en nature en moyenne : smartphone (76 %), voiture de fonction (58 %), stock-options (27 %) ou retraite surcomplémentaire (18 %). Si 73 % des responsables juridiques indiquent recevoir des annexes au salaire, il s’agit en moyenne d’une seule annexe, principalement d’un smartphone et 11 % reçoivent des stock-options. 

Salaires AFJE juristes Cercle Montesquieu