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Brexit et arbitrage international : quels impacts, et quelles opportunités pour la place de Paris ?

Par LA LETTRE DES JURISTES D'AFFAIRES
Paru dans la Lettre des Juristes d'Affaires n°1341 du 12 mars 2018
par Andrew CANNON et Thierry TOMASI

Selon un sondage réalisé en 2015 par White & Case et Queen Mary University, la capitale britannique est le siège favori des parties ayant recours à l’arbitrage. Cependant, la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne (UE) en mars 2019 n’est pas sans conséquences sur le choix de Londres comme siège d’un arbitrage. Ces conséquences diffèrent d’ailleurs selon la nature de l’arbitrage.

L’arbitrage commercial

L’arbitrage ne relève pas du champ d’application du droit de l’UE. L’arbitrage est ainsi exclu du domaine du Règlement Bruxelles I bis, la reconnaissance mutuelle et l’exécution des sentences étant assurées par la Convention de New York de 1958, largement ratifiée à travers le monde.

Dès lors, le Brexit ne remettra pas en cause les principaux éléments de l’environnement normatif de l’arbitrage commercial au Royaume-Uni. Cependant, l’incertitude actuelle concernant les termes d’un futur accord entre le Royaume-Uni et l’UE laisse en suspens des questions qui ont leur importance. Par exemple, la possibilité pour le juge anglais post-Brexit d’émettre des anti-suit injonctions pour protéger la mise en oeuvre de la clause d’arbitrage pourrait faire gagner le juge anglais en flexibilité par rapport à ses homologues européens. D’autres répercussions pourraient être d’ordre purement pratiques. Notamment, une éventuelle perte de vitesse de la place londonienne pourrait avoir un impact sur le monde de l’arbitrage.

Si des entreprises déménagent de Londres à Paris de façon à rester au sein du marché unique, elles pourraient décider de résoudre leurs litiges sur place. Paris est particulièrement bien armée pour tirer parti de ces incertitudes grâce à sa culture favorable à l’arbitrage, son système judiciaire, et ses infrastructures, notamment le siège de la CCI.

L’arbitrage d’investissement

Le débat concernant le futur de l’arbitrage d’investissement se poursuit. L’UE s’y oppose formellement, encourageant d’ailleurs la création d’un nouveau système juridictionnel ayant vocation à régir l’ensemble de ses futurs traités comportant des dispositions sur l’investissement. Par ailleurs, la compatibilité des traités bilatéraux d’investissement conclus entre États membres de l’UE avec le droit européen a fait l’objet d’un vif débat ces dernières années. Par un arrêt publié cette semaine, la CJUE l’a tranché en affirmant qu’une convention d’arbitrage contenue dans un traité intra-UE est incompatible avec le droit de l’UE. Par l’effet du Brexit, les traités conclus entre le Royaume-Uni et les États membres deviendraient des traités extra-UE échappant ainsi de facto au débat concernant leur validité au regard du droit européen. En conséquence, les investisseurs pourraient privilégier le Royaume-Uni afin d’échapper aux velléités européennes à cet égard, à condition toutefois que le nouveau système juridictionnel européen ne soit pas imposé dans le futur traité entre l’UE et le Royaume-Uni.

La sortie du Royaume-Uni de l’UE ne devrait donc pas fondamentalement remettre en cause la place de Londres dans le paysage arbitral mondial. À la marge, l’incertitude entourant le Brexit pourrait donner un avantage supplémentaire à des sièges voisins. À ce titre, la création d’une chambre internationale
au sein de la Cour d’appel de Paris, compétente en matière arbitrale, démontre la volonté française d’attirer les investisseurs désireux de sélectionner un siège également favorable à l’arbitrage.

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