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Bien préparer son assemblée générale

Par Ondine Delaunay

L’associé du cabinet Signature Litigation, Jérémie Fierville, organisait, mardi 2 avril dernier, une conférence, au Cercle de l’Union interalliée, dans le cadre du Club ESSEC droit dont il est par ailleurs responsable. Elle avait pour thème : Les assemblées générales de sociétés cotées et la démocratie actionnariale. L’occasion d’aborder les meilleures pratiques dans la préparation des assemblées générales, mais aussi les questions du dialogue avec les actionnaires, de la soumission de résolutions, du vote à distance et de l’avenir des droits de vote multiples. Résumé.

En ce retour de week-end pascal, la salle était très attentive aux débats sur les assemblées générales et le dialogue actionnarial, car les thématiques abordées sont d’une actualité brûlante. Jérémie Fierville, qui animait la conférence, a d’ailleurs rapidement posé tout l’enjeu de ce sujet : « L’assemblée générale est la chambre d’écho pour les sujets d’actualité du moment, notamment climatiques ». Force est en effet de constater que les questions environnementales alimentent, depuis quelques années, une bonne partie des débats au sein des assemblées générales. Comme l’a rappelé Stéphane Torck, professeur à l’université Paris II, « il n’existe aucune disposition du code de commerce qui interdit au conseil d’administration de recueillir l’avis de l’assemblée générale sur la stratégie environnementale de la société, dès lors qu’il s’agit d’un avis consultatif. On observe cependant un glissement du droit vers le fait, car en pratique le vote consultatif est suivi par le conseil ». Et le professeur de s’interroger sur l’affaiblissement des pouvoirs du board et surtout des conséquences sur sa responsabilité. Il en est d’ailleurs de même s’agissant des sujets de say on pay, ou de cessions d’actifs significatifs qui, sur recommandation de l’AMF et du code Afep-Medef, sont désormais soumis au vote consultatif, des actionnaires. Si, plus globalement, Diane Lamarche, associée de White & Case, a relevé un nouveau mouvement « anti ESG » au sein des actionnaires américains, notamment activistes, qui « pourrait arriver en Europe dans les prochains mois », il semblerait néanmoins que le sujet du say on climate soit anticipé comme au cœur des débats 2024 en France. Olivier de Guerre, président de Phitrust, a même annoncé durant la conférence le prochain dépôt d’une résolution chez TotalEnergies visant à demander aux actionnaires s’ils accepteraient de diminuer leur dividende pour accélérer le traitement de la résolution climatique. « Il ne faut pas toujours tirer sur l’ambulance, a-t-il lancé. TotalEnergies a pour objectif de construire 50 EPR d’ici 2030. Même l’État n’en est pas capable ! ».

L’ensemble des intervenants se sont accordés sur le fait que le débat entre administrateurs et actionnaires doit être mené avec transparence. A d’ailleurs été évoquée, comme un exemple, la dernière assemblée générale d’Engie durant laquelle 20 minutes ont été consacrées à une présentation de la stratégie environnementale du groupe, grâce à la diffusion d’un film à vocation explicative, suivies de 40 minutes de questions orales permettant d’ouvrir le débat.

La clé du succès d’une AG

Le dialogue actionnarial est la clé de voûte du succès d’une assemblée générale. Thibault Delorme, directeur juridique d’Air Liquide, a à ce titre rappelé que son groupe veille depuis les années 1960 à maintenir une relation de proximité avec ses actionnaires individuels. Un accueil leur est d’ailleurs dédié au sein du groupe pour gérer l’ensemble de leurs opérations sur compte. « L’organisation de notre AG annuelle a longtemps dépassé les 5 000 présents au Palais des Congrès, explique le directeur juridique. Depuis le Covid, la jauge est désormais à 3 500, ce qui reste un nombre très élevé ». Benoît Potier, PDG du groupe, fait des roadshows annuels pour aller rencontrer les actionnaires individuels et entamer avec eux un dialogue. Olivier de Guerre, de Phitrust, recommande aux administrateurs « d’aller au-devant des petits porteurs, notamment à l’occasion du cocktail organisé après l’assemblée générale. C’est important car leurs questions sont souvent très pertinentes. Ils peuvent parfois alerter les administrateurs sur des points qu’ils n’avaient pas perçus ».

Myriam Epelbaum, associée du cabinet Bredin Prat, a fait le constat que « si leur capital est dispersé, les sociétés sont plus engagées dans le dialogue actionnarial ». Pour David Chase Lopes, managing director EMEA de DF King, les groupes doivent tenir des réunions régulières avec les grands investisseurs. « Idéalement, il convient de prévoir une réunion à l’automne pour faire le point sur la dernière AG et présenter les grandes lignes attendues pour la prochaine, et une autre en hiver pour présenter les positions du conseil d’administration », explique-t-il. La transparence est essentielle, selon lui. Et en cas de crise, « elle est encore plus importante, poursuit-il. Le président du conseil ou un administrateur référent doit s’emparer de la communication et être audible pour ne pas laisser les bruits courir ».

Lorsqu’un actionnaire activiste vient taper à la porte du conseil, les recommandations sont à peu près semblables. Parler ! Diane Lamarche constate qu’aujourd’hui « les groupes ne ferment plus systématiquement la communication avec la plupart des activistes » qui peuvent, selon elle, aider à faire évoluer la gouvernance. C’est surtout le lancement d’une campagne publique qu’il faut impérativement éviter, car elle focalise l’opinion et la communication négative. Pour l’avocate, les fonds activistes n’ont pas toujours intérêt à se lancer dans une telle campagne, très onéreuse pour eux. « Un activiste focalise son activité sur son rendement, confirme à son tour David Chase Lopes. Il est néanmoins essentiel de prendre au sérieux leur message et de ne pas les dénigrer ». Et de rappeler l’attitude dédaigneuse d’Ulrich Lehner, ancien président du conseil de surveillance du groupe Thyssenkrupp, qui avait ouvertement critiqué l’attitude de Cevian et d’Elliott devant les journalistes. Il avait été remplacé une semaine après à son poste.