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Gérer la performance humaine (2ème partie)

Par Anne Girard

Dans une fiche pratique précédente, nous avons expliqué qu’il était important, pour analyser la performance humaine, de recueillir une information précise, fiable et, surtout, objective et factuelle. Ce questionnement est fondamental pour qui cherche véritablement à comprendre les raisons d’une performance insatisfaisante. Ces causes se rattachent directement à cinq catégories de paramètres, dont la performance humaine dépend. Chaque paramètre fait ci-dessous l’objet d’un commentaire bref – l’ordre choisi n’est pas un ordre d’importance. En réalité, des études ont montré que les facteurs qui étaient les plus négligés – et donc souvent à l’origine d’une performance insatisfaisante – étaient le retour d’information et les conséquences.

1.  L’aptitude de l’individu à réaliser le travail attendu
Le premier paramètre est celui qui apparaît le plus souvent comme évident, puisqu’il est lié à la personne. Il s’agit des aptitudes physiques, morales et psychologiques de l’individu, ainsi que des savoir-être et des savoir-faire, ou autrement dit, des compétences. Il est à noter que dans les professions à forte composante relationnelle (comme celles d’avocat ou de personnel administratif exerçant en cabinet d’avocat), les savoir-être sont aussi importants que les savoir-faire ou les connaissances.

2. Les attentes
Second paramètre, les attentes relatives au type de comportement souhaité ou à la nature de la tâche et éventuellement la façon dont elle doit être réalisée, ainsi que les indications sur la façon dont sera évaluée la qualité du travail (par exemple, un document peut être évalué sur sa forme (présentation, orthographe, style de rédaction autant que sur le fond (raisonnement, sources bibliographiques, etc.)
Il est facile de constater qu’en l’absence d’attentes claires, les individus auront tendance à se forger par eux-mêmes une idée de ce qu’on attend d’eux. Dans certaines situations, les conséquences peuvent être catastrophiques car elles donnent lieu à des malentendus qui peuvent dégénérer en conflits. Il est donc du rôle de l’organisation et des personnes en charge du management de formuler les attentes.

3. L’environnement de travail
Par environnement de travail, on entend non seulement l’environnement proprement dit mais également les outils et systèmes appropriés, ainsi que l’accès à l’information pertinente. Formuler des attentes sans donner à la personne les moyens d’y répondre conduit directement à la non-performance. L’accès à l’information est souvent objet de discussion, voire de conflit. Car les informations sont en général issues de personnes qui les fournissent, soit oralement, soit par écrit, soir à travers des systèmes d’information (bases de données, etc.) Si les informations ne sont pas à jour et que l’utilisateur n’a pas les moyens de les vérifier, celui-ci se trouve pénalisé dans sa performance.

4. Le retour d’informations (feedback)
Pour être en mesure d’améliorer ou de maintenir sa performance, la personne a besoin d’informations qui lui indiqueront si elle a répondu ou non aux attentes. Dans certaines situations, le retour est automatique, voire automatisé. Pour être utile à la personne, le feedback doit être équilibré et communiqué de façon objective, sans jugement de valeur ni culpabilisation. L’équilibre consiste à exprimer les aspects positifs (donc à conserver) ainsi que les aspects négatifs (ce qui doit être amélioré).  Malheureusement, donner du feedback n’est pas une pratique répandue. La raison principale est que donner du feedback n’est pas forcément simple, dès que l’affectif s’en mêle. En général, on préfère donc le silence. Or le silence est également à l’origine de malentendus et on peut aboutir à des situations dans lesquelles une personne est clairement sous-performante sans qu’elle s’en rende compte. On peut imaginer le choc lorsque cette situation a duré plusieurs mois, voire plusieurs années et que la « révélation » s’accompagne d’une sanction (pas d’augmentation de rémunération, procédure de licenciement etc.)
Donner et recevoir du feedback s’apprend, il s’agit d’une des techniques de base du management.

5. Les conséquences liées à l’action ou au comportement (positives et négatives)
Une personne qui réalise une tâche reçoit la plupart du temps des effets qu’elle va ressentir comme positifs ou négatifs. Les conséquences perçues comme positives vont encourager l’individu à continuer. Les conséquences négatives tendront, à l’inverse, à le décourager de reproduire son comportement ou son action. On notera au passage que l’absence de feedback est très majoritairement perçue comme une conséquence négative.
Lorsqu’on veut leur faire prendre conscience qu’il faut qu’elles changent, la plupart des personnes vont tenter de donner au changement des conséquences négatives. L’individu aura certes compris qu’il faut qu’il agisse différemment (en supposant qu’il soit coopératif) mais il ne sait pas forcément ce qu’il doit changer ou comment il doit procéder. On l'enferme donc dans un dilemme insoluble. Par ailleurs, même les managers les mieux intentionnés peuvent se laisser prendre au piège de la « projection. » Ainsi, en voulant encourager leurs équipes, ils leur donnent ce qu’ils pensent être des conséquences positives parce qu’eux-mêmes les voient comme positives. Mais en réalité, ils projettent leur échelle de valeur sur des personnes qui perçoivent les choses de façon différente. Cette situation fréquente peut également contribuer à dégrader la performance humaine, qu’elle soit individuelle et collective.

Ce modèle d’analyse de la performance humaine souligne la responsabilité de chaque personne en charge de déléguer ou d’encadrer des collaborateurs. Mais il ne dégage pas pour autant ces derniers de toute possibilité d’initiative d’échange ou de dialogue, qu’il soit direct ou indirect (par un intermédiaire), pour améliorer la performance individuelle.