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De collaborateur à associé, les clés d'une promotion réussie

Par Anne Girard, seenago

N’y allons pas par quatre chemins : la promotion interne du collaborateur à un rôle d’associé est une opération dont le succès n’est jamais garanti. Les risques d’échec sont réels mais il existe aussi une approche pour augmenter la probabilité que les choses se passent bien. Chacun est co-responsable de la réussite de la transition et doit y participer activement. Attention à ne pas laisser le temps filer, les non-dits s’accumuler et les frustrations se développer. Accueillir un nouvel associé ne va pas de soi, malgré les qualités incontestables de la personne. Ce passage est délicat et doit être maîtrisé aussi bien avant qu’après la nomination.

I - En amont
La préparation de la transition
Le piège serait de réduire le passage du statut de collaborateur à celui d’associé à ses aspects juridiques, financiers, voire même à l’annonce officielle. Un réel travail doit être mené en amont.
Les grands cabinets anglo-saxons ont élaboré des parcours « pré-association » qui durent parfois près de deux ans. Contrairement à ce qui est souvent perçu, la démarche n’est pas que sélective… Elle vise aussi à donner aux collaborateurs et futurs éventuels associés les outils et l’état d’esprit liés au rôle d’associé dans la firme, en les exposant à des expériences et situations diverses (réunions de travail avec des collaborateurs d’autres bureaux, jeux de rôle, travaux pratiques sur la gestion d’un cabinet ou une stratégie de Business Development).
Bien sûr, tous les cabinets n’ont pas besoin de processus aussi lourds et complexes. Un enseignement est à retenir : les mois (et parfois les années) précédant la nomination au poste d’associé sont importants et structurants. Cette période doit être l’occasion de mettre le collaborateur en situation de comprendre et de vivre certains aspects de son futur rôle. On peut ainsi le convier à certaines réunions ou discussions informelles entre associés, l’impliquer dans l’élaboration d’une stratégie marketing ou de communication, lui donner des missions spécifiques au sein du cabinet, et – est-il nécessaire de le rappeler ? - lui confier des clients à gérer en toute autonomie.

                                             "Renforcer la relation de confiance"
Durant cette période, la question du rythme est importante. Car il s’agit non seulement d’un moment d’apprentissage mais aussi de renforcement de la relation de confiance. Il est impossible de dire quelle en serait la durée idéale. En revanche, l’expérience montre que sans une progressivité dans l’intégration pré-nomination, les choses se révèlent beaucoup plus difficiles après la nomination.

Privilégier transparence et pédagogie
Le rôle d’associé comporte des droits et obligations de natures diverses, ainsi que des responsabilités accrues. Malheureusement, trop souvent, le collaborateur accueille sa promotion dans un flou  artistique concernant les aspects juridiques, financiers et commerciaux de l’association. L’un des sujets le moins souvent abordé en amont est la santé financière du cabinet ! Quant à sa structure juridique et ce qu’elle impose ou permet, nombreux sont les collaborateurs qui ne se posent même pas la question (ou alors trop tard). Et tout aussi nombreux sont les associés qui ne prennent pas le temps d’en expliquer les tenants et les aboutissants.
Transparence et pédagogie sur le cadre, les règles du jeu, les attentes, les objectifs, les outils… sont indispensables pour créer la confiance et éviter les désillusions, dont certaines apparaissent des mois voire des années après, notamment en cas de difficulté (par exemple, performance du nouvel associé insatisfaisante, problèmes économiques au sein du cabinet, etc.)

II - Après la nomination : l’accompagnement
Après sa nomination, le jeune associé vit en général une période de forte tension. Après la satisfaction de sa promotion et les félicitations reçues, arrive la conscience qu’il faut désormais répondre à diverses attentes. Certaines, pour lui, sont encore vagues ou, a contrario, tellement précises qu’elles créent une forte pression psychologique.
                    « Ceux qui le tutoyaient la veille se mettent à le vouvoyer (et inversement !) »
De plus le jeune associé sent que le regard des autres collaborateurs et de l’équipe administrative sur lui a changé. Lui-même ne sait plus trop comment il doit se comporter. Ceux qui le tutoyaient la veille se mettent à le vouvoyer (et inversement !). Certains liens amicaux se distendent. Il se sent attendu sur des sujets qui, jusque-là, lui étaient indifférents ou n’étaient que prétexte à des bavardages entre collègues. Ainsi, la couleur de la peinture de l’accueil du cabinet ou la date de la soirée de Noël prennent une toute autre dimension…
De même, il va être rapidement amené à se positionner sur la performance ou le comportement d’autres collaborateurs, qui feront éventuellement partie de l’équipe dont il a désormais la responsabilité. La délégation devient un passage obligé et souvent très inconfortable si elle n’a pas été pratiquée auparavant.
                          « Quelle est votre vision pour l’avenir du cabinet ? »
Enfin, un changement de perspective s’impose : voir les choses du point de vue l’associé, c’est se retrouver dans une posture de dirigeant (avec des décisions à prendre mais aussi à faire accepter), de représentation et de stratège. Sur ce dernier point, les collaborateurs devenus associés peuvent mesurer à quel point la question « quelle est votre vision pour l’avenir du cabinet ? » est plus facile à poser qu’à répondre…
Dans cette période, le nouvel associé peut, par sécurité, avoir tendance à reproduire les comportements et adopter les points de vue des autres associés. C’est la stratégie du « caméléon ». Parfois, les associés sont étonnés de voir que leur ex-collaborateur, jadis très présent et dynamique, toujours prompt à donner son avis, reste muet, voire mutique, pendant les réunions d’associés. Alors il déçoit. L’autre stratégie est celle de « l’éléphant dans un magasin de porcelaine ». Tout investi de son nouveau statut, le jeune associé s’implique sur tout et dans tout. Parfois même au détriment de ses dossiers et du développement de la clientèle. Il occupe le terrain, souvent maladroitement, de l’organisation interne et logistique du cabinet. Il propose, sans se rendre compte qu’il froisse certaines susceptibilités, des changements plus ou moins pertinents. Et il agace.

Faire des points réguliers avec le jeune associé
Comment les associés plus expérimentés devraient-ils réagir ? D’abord, en ne laissant pas le jeune confrère s’isoler. Ensuite, en lui accordant du temps sur ces sujets et pas uniquement sur les dossiers. Les associés ont un rôle de transmission qui passe par le dialogue. Il est recommandé de faire des points réguliers au cours desquels on échange honnêtement sur les problèmes rencontrés, les ressentis et les comportements à modifier. Il s’agit d’aider le jeune associé à trouver son style, dans le cadre forcément unique du cabinet. Les associés peuvent aussi s’appuyer, le cas échéant, sur le secrétaire général ou le comptable (en particulier pour se familiariser avec la documentation utilisée en réunion d’associé, comme les tableaux de bord). Enfin, ils peuvent proposer l’aide d’un intervenant extérieur (coach, consultant). En tout état de cause, un accompagnement est indispensable pour accélérer et fluidifier la « prise de poste ». Une fois celle-ci effectuée, le nouvel associé pourra alors jouer pleinement son rôle auprès des clients, faire croître son activité et apporter sa contribution au développement du cabinet.