Connexion

Comment établir une relation managériale efficace (2ème partie)

Par Anne Girard - Seenago

Dans cette deuxième fiche consacrée à la relation managériale, nous aborderons une situation concrète illustrant les difficultés des « managers » et des « managés » ... et des pistes de solution pour résoudre ces difficultés et établir une relation managériale efficace.

Dans la première fiche, nous évoquions les risques liés à une conception courante de la relation managériale envisagée sous l’angle de l’autorité hiérarchique. Notamment, nous avions mentionné le fait que cette approche, largement répandue parce que fondée sur le modèle de la « relation parent-enfant », tend justement à être contre-productive puisque managers et managés en viennent, dans cette logique, par adopter une attitude qui ne permet pas d’atteindre les objectifs poursuivis ou de réaliser les tâches ou les missions avec le niveau de qualité attendu.

Nous avons également posé l’idée d’une relation managériale fondée sur un esprit de coopération et de coresponsabilité, qui suppose que chacun accepte et comprenne non seulement son rôle mais aussi la posture appropriée. Or, lorsqu’on interroge séparément un « manager » et un « managé », il est frappant de constater que chacun vit différemment la relation, plus ou moins bien et pour différentes raisons. De la même façon, deux « managés » peuvent ressentir de façon complètement opposée la relation de travail et de collaboration qu’ils auront avec leur manager. Et ce même si celui-ci traite ses collaborateurs de façon équitable et adopte avec eux des méthodes de travail identiques !

Voici une situation typique à propos des « retours » ou feedback, c’est-à-dire les informations, commentaires, suggestions, recommandations formulées par le manager à son collaborateur pour que celui-ci améliore la qualité de son travail.

Dans le cadre d’une réunion de travail avec des collaborateurs, plusieurs d’entre eux sont amenés à évoquer les différences de style managérial des deux associés du département, à propos des retours qu’ils reçoivent sur leur travail.
L’un des associés donne systématiquement un feedback très détaillé, allant même jusqu’à modifier ou suggérer des modifications de mise en page. L’autre associé émet deux ou trois remarques générales avec des suggestions d’amélioration portant essentiellement sur le fond.
Dans l’équipe, chaque collaborateur voit les choses différemment :
Collaborateur A : « Je trouve que le feedback très détaillé permet de progresser car je peux comprendre comment produire un document parfait, qui répond aux exigences du client »
Collaborateur B : « Trop de retours, c’est insupportable, je suis assez grand pour corriger mes virgules tout seul »
Collaborateur C : « Je déteste ne recevoir que des commentaires généraux, j’ai l’impression que l’associé n’a rien lu ou n’a rien fait ou qu’il ne s’intéresse pas à mon travail »
Collaborateur D : « Je n’apprécie ni les remarques vagues ou imprécises, qui ne m’aident pas à trouver les solutions pour améliorer la qualité de ce que j’ai fait, ni qu’on corrige à ma place, l’associé est un associé, il ne doit pas faire mon travail »

De leur côté, les deux associés n’ont absolument pas conscience de ce que pensent et ressentent leurs collaborateurs. Chacun d’eux fonctionne selon la méthode qui leur convient le mieux et qui, pensent-ils, est la mieux à même de faire avancer les projets ou les dossiers. Ni l’un ni l’autre n’a reçu d’information sur ce qui est important pour leurs collaborateurs : d’une part, bien faire leur travail et, d’autre part, progresser. Du point de vue des collaborateurs, les niveaux d’exigence sont disparates et induisent forcément des frustrations dès qu’on parle d’évaluation. Par ailleurs, chacun des collaborateurs voit également la situation à travers son prisme personnel.
Le collaborateur A, très junior, est content de se sentir précisément encadré ; le style d’un des associés répond à son besoin et le stimule.
Le collaborateur B, senior, se sent « infantilisé » et exprime une frustration courante sur la difficulté à prendre de l’autonomie dans son travail. Il ne recherche (à tort ou à raison) qu’une validation ou des pistes d’amélioration générales car il se sent apte à modifier ce qui doit l’être à partir de suggestions « dans les grandes lignes ».
Le collaborateur C a juste besoin de savoir que son travail est pris en compte pour être motivé et il interprète l’absence de retour comme du désintérêt, alors que le collaborateur D est surtout focalisé sur sa progression personnelle dans la qualité du travail rendu. Ce dernier évoque aussi une confusion des rôles (qui fait quoi ?) entre l’associé et le collaborateur.

Dans le contexte pris à titre d’illustration, aucun d’eux, n’a pu, ou su exprimer ces besoins et attentes ou alors ceux-ci n’ont pas été entendu et au sein de cette équipe, le sentiment de frustration est important et mine la productivité.
La relation managériale ne fonctionne pas de façon optimale, faute d’une réflexion sur ce qui la constitue et les moyens de l’améliorer.

La réflexion à mener passe dans un premier temps par une auto-évaluation, de part et d’autre (on retrouve ici la notion de co-responsabilité). Celle-ci peut être réalisée avec ou sans l’aide d’un regard extérieur (homologue, consultant, coach…)

L’associé ou manager se posera les questions suivantes :
- Est-ce que j’ai tendance à fonctionner sur un mode sanction/récompense ?
- Ai-je formulé mes attentes clairement sur la façon dont je souhaite fonctionner avec chacun de mes collaborateurs ?
- Ai-je expliqué ce qui est important pour moi dans l’organisation du travail de l’équipe, du service ou du département ?
- Ai-je clarifié les rôles de chacun ?
- En pratique et au quotidien, est-ce que je respecte l’organisation du travail et les règles du jeu que j’ai moi-même formulées et mises en place ?
- Ai-je au moins une fois par an une discussion avec chacun de mes collaborateurs sur la façon dont nous travaillons ensemble ? Si oui, la discussion est-elle vraiment un échange dans lequel chacun exprime son avis ou ai-je tendance à imposer ma vision de la situation (par exemple en ne laissant pas suffisamment de temps à mon collaborateur pour s’exprimer) ?
- Ai-je déjà demandé à chacun de mes collaborateurs comment je pouvais améliorer mes retours afin de lui permettre d’être plus efficace ?

Le collaborateur se posera les questions ci-dessous :
- Ai-je clarifié avec mon associé ou mon manager mon rôle et ce qui est attendu de moi sans me limiter à ma fiche de poste ou mon contrat de travail/collaboration ?
- Ai-je évoqué avec mon associé ou avec mon manager les modes de fonctionnement (et notamment le feedback que je peux recevoir) qui me permettent d’être efficace ?
- Ai-je communiqué à l’associé ou à mon manager ce qui me motive et de démotive dans la relation managériale ?
- Suis-je précis et transparent dans l’information que je remonte à mon associé ou mon manager en ce qui concerne la progression ou l’achèvement des tâches ou des missions qui me sont confiées ?

Dans un second temps, l’initiative reviendra à l’associé ou au manager de créer les conditions pour que la relation managériale s’assouplisse et se construise sur de nouvelles bases, en ouvrant des espaces de dialogue – individuels ou collectifs. Les collaborateurs, eux, gagneront à saisir les opportunités qui se présenteront, sans oublier qu’ils sont eux aussi destinés, un jour ou l’autre, à assumer des responsabilités de management !