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L’arme secrète du leader : savoir maîtriser le temps

Par Anne Girard
par Anne Girard & Véronique Kaiser, Présence et Parole en public(s)
Maîtriser le temps et le rythme est un facteur-clé pour réussir une prise de parole, qu’elle dure 3 minutes ou 3 heures. Cette capacité de maîtrise est considérée comme l’une des caractéristiques principales du leadership. Pour convaincre, le leader qui prend la parole doit non seulement trouver les mots justes mais aussi le « bon » moment pour les prononcer. Pour cela, il a besoin de prendre en compte toutes les dimensions du temps de la prise de parole : celui dans lequel il s’inscrit, mais aussi celui qui est perçu par le public, ou encore le rythme, le tempo interne de son intervention. Affiner la perception de ces paramètres permet de trouver de plus en plus facilement quand vient le « bon » moment, celui où « la parole fait mouche ».

Maîtriser le temps et la durée
On dit qu’Einstein expliquait la relativité du temps avec cet exemple : « Placez votre main sur un poêle une minute et ça vous semble durer une heure. Asseyez-vous auprès d'une jolie fille une heure et ça vous semble durer une minute. C'est ça la relativité ». Il souligne que la valeur absolue de la durée est distincte de sa perception en fonction de l’expérience vécue par le sujet.

Emporter son public, c’est aussi lui faire oublier la notion de temps, c’est le déconnecter de la durée réelle et alléger sa perception du temps


C’est exactement ce qui se produit lors d’une prise de parole : 1 minute pour l’orateur n’a pas la même « durée » pour ses interlocuteurs. Bien souvent, le temps passe beaucoup plus vite pour celui qui parle que pour ceux qui écoutent. Emporter son public, c’est aussi lui faire oublier la notion de temps, c’est le déconnecter de la durée réelle et alléger sa perception du temps. C’est ce qui nous arrive lorsque l’on sort d’un spectacle et que l’on entend « je n’ai pas vu le temps passer ! ».

S’adapter sans perdre la maîtrise
Suivre ce qu’on a préparé et faire preuve de spontanéité relève souvent d’un exercice d’équilibriste y compris pour les orateurs expérimentés. Contrairement aux apparences, ceux qui ont l’air le plus naturel ont souvent préparé minutieusement le déroulé de leur intervention (même si celle-ci ne dure que quelques minutes)… pour s’en écarter si nécessaire, en se laissant guider par les réactions du public. Le lancement d’une séance de questions-réponses est, par exemple, un bon moyen de casser le rythme d’une présentation.

Mais attention : s’adapter ne veut pas dire se soumettre ! Un manager peut ainsi choisir d’approfondir un thème difficile malgré les réactions d’ennui ou de d’inconfort de son équipe, pour envoyer un message clair à propos de sa détermination à affronter la difficulté. De même, un bon orateur ne sera pas tenté d’accélérer le rythme uniquement par peur du silence ou de l’ennui du public.
Ajuster le tempo de sa prise de parole demande de la part du leader de la finesse et la capacité à faire des choix en conscience, avec discernement, dans le moment présent.

Saisir le « bon » moment
Ce « bon » moment, c’est l’instant « T » : le moment opportun, favorable, juste. En anglais, on le traduit d’ailleurs par « the right time ». Il ne se mesure pas de façon linéaire (contrairement au chronos) mais c’est une expérience qu’un leader doit se tenir prêt à ressentir. Appelé aussi kairos (du nom du dieu grec, signifiant « le temps favorable »), il a lieu lorsque la parole fait mouche, non seulement en raison des mots utilisés mais aussi parce qu’ils ont été prononcés à un moment particulier de l’interaction. Il vient souvent comme une surprise, même pour le leader expérimenté. Introduction, conclusion, après une question… difficile de prévoir exactement quand votre public « basculera ».

Être en présence
Avec de l’expérience, l’orateur parviendra à percevoir plus finement le kairos. Cela nécessite d’intégrer le présent dans la prise de parole. Pour m’inscrire dans le présent, je ne dois penser ni au passé, ni au futur (ce qui va ou qui devrait se produire). Je dois juste être pleinement présent à ce qui est et c’est ainsi que ma parole aura un véritable impact et emportera l’adhésion du public. Cette capacité à se rendre présent à l’instant « T » n’est pas un don. Elle se travaille : c’est d’ailleurs le principal axe d’entraînement des grands comédiens comme Niels Arestrup.

Pour m’inscrire dans le présent, je ne dois penser ni au passé, ni au futur (ce qui va ou qui devrait se produire). Je dois juste être pleinement présent à ce qui est et c’est ainsi que ma parole aura un véritable impact et emportera l’adhésion du public.


Développer sa présence et la maîtrise du temps de ses prises de parole permet de démultiplier son influence, d’autant qu’elle peut être relayée sur Internet via les vidéos ou les podcasts. Le succès des conférences, des rencontres avec des témoins, l’importance donnée aux discours en périodes électorales montrent que la parole n’a rien perdu de sa force pour convaincre et persuader un public. À vous de vous entraîner à « saisir » le kairos et devenir un leader qui fait « mouche » !

 
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