Connexion

Le CNB unifie la communication des avocats pour favoriser l’attractivité des cabinets : Quels apports de cette réforme ? (partie 1 : la réforme)

Par Nathalie Rehby, agence Satellitis

En pleine crise du coronavirus, le Conseil National des Barreaux (CNB) finalise une réforme sur la communication des avocats. En effet, l’article 10 « communication » du RIN (règlement intérieur national) a été profondément remanié le 3 avril dernier. Alors même qu’une part des avocats, juristes et supports se posent la question même de la communication dans le contexte covid-19, il peut apparaitre étrange que le CNB consacre du temps à la communication. 

Faut-il continuer de communiquer pendant la crise qui nous frappe ? Evidemment qu’il le faut ! Même s’il faut communiquer autrement. Au milieu d’un confinement qui rebat les cartes, la décision du CNB de réformer l’article 10 est loin d’être absurde, elle tombe plutôt bien. Ce n’est pas non plus une décision en catimini, le débat existe depuis longtemps. Alors cette décision est utile et même nécessaire. 

Le 3 avril, l’AG du CNB motive sa réforme ainsi : « Cette réforme doit permettre de favoriser l’attractivité des cabinets tout en assurant une information des clients et prospects. Cette information doit être sincère, digne et correspondre à une réalité. » Aujourd’hui, en pleine crise, aider à développer les cabinets et à rendre attractifs les avocats leur est très utile. En effet, tout doit être fait pour aider les avocats à passer la crise. Et la communication peut y contribuer. Pour le CNB, il s’agit de simplifier les choses et de se mettre à jour. Que ce soit plus simple de communiquer ne peut qu’être bienvenu ! 

1 : uniformiser les règles, quels que soient les supports

« L’uniformisation des règles de communication des avocats, quelque soient les supports » (avec la) « suppression de la distinction entre information professionnelle et publicité personnelle » souligne le CNB dans l’annonce de la réforme. Dès l’article 10.1, la définition de l’information professionnelle est supprimée, ainsi que dans les articles la concernant directement (10.6 « information professionnelle », 10.6.1 et 2 relatifs à la correspondance, aux plaques, et aux cartes de visites). Notons aussi que la sollicitation personnalisée faisait partie de la publicité personne. C’est donc la fin d’une présentation différente de l’avocat selon les supports, puisque publicité personnelle et information professionnelle obligeaient à différencier les mentions données selon les éléments supportant ces informations.

Il y a bien une extension de la communication, puisque tout ce que les avocats pouvaient indiquer sur les sites Internet, dans les plaquettes, dans l’affichage, à la TV, la radio ou même dans la presse pourra maintenant être présent sur les plaques, les vitrines, le papier à entête ou la carte de visite et dans la sollicitation personnalisée. Ainsi, avant la réforme, « les dénominations, plaques, cartes de visite et tous documents destinés à la correspondance postale ou électronique de l'avocat » - et les vitrines et la sollicitation personnalisée- ne pouvaient faire mention des domaines d'activité de celui-ci mais uniquement de ses spécialisations. C’est maintenant terminé. La mention des domaines d’activités était déjà autorisée dans la publicité personnelle de l’avocat (sites Internet, plaquette, affiche, audiovisuel, presse…), elle s’étend donc à tous les supports.

A priori, cesser de différencier publicité personnelle et information professionnelle, et pouvoir donc parler d'une même voix quel que soit le support semble une bonne chose pour l’avocat. Il peut ainsi mieux expliciter ce qu’il fait et donc les services qu’il rend et vend à ses clients. C’est aussi une très bonne chose pour le client (« le consommateur » comme l’appelle le CNB dans toute la communication sur cette réforme), lui aussi en saura plus et le saura mieux. Et le communicant donc ! 

Que faire ? 

Cela renforce la place du site internet (c’est mon avis !), devenu le premier élément d’approche d’un cabinet, comme une « carte de visite ». Sa plasticité permettait déjà de se présenter plus finement pour les avocats et plus complètement pour les cabinets. En quelque sorte, avec cette réforme, il devient navire amiral de la communication institutionnelle des cabinets. L’outil toujours consulté en premier par les juristes et les dirigeants… 

Bref, une réforme bienvenue, utile à un moment où il faut écouter plus son client, donc lui répondre avec plus de précisions. Cohérence pour les avocats qui, quel que soit le support, « envoient » une information vers ses prospects et clients.

2 : 3 domaines d’activités dominantes par avocat

Le régime gagne en lisibilité. Mais un autre élément est à prendre en considération, source des premiers débats. Dans l’article 10.2, sont ajoutés des précisions sur ce qui peut être mentionné : ainsi voit-on apparaître dans les règles communes « ses domaines d’activités dominantes », mais sans liste, avec une restriction à 3 domaines d’activités par avocat. Un paragraphe sémantique sur la « spécialisation » est aussi ajouté. 

La sémantique de la spécialisation : un alinéa précise l’usage de l’univers sémantique de la spécialisation : « Seul l’avocat titulaire d’un ou de plusieurs certificats de spécialisation, ainsi que de sa ou ses qualifications spécifiques, régulièrement obtenus et non invalidés peut utiliser pour sa communication, quel qu’en soit le support, les mots «spécialiste», « spécialisé», «spécialité» ou «spécialisation» et le signe distinctif instauré par le Conseil national des barreaux pour symboliser la qualité d’avocat spécialiste. » Alors, quand l’avocat est expert d’un domaine mais qu’il n’en a pas le certificat officiel, soyez inventif dans le vocabulaire…

Restriction de communication ? En effet se limiter à 3 domaines d’activités semble une restriction. Une fois qu’on aura dit qu’on fait du conseil, du contentieux et de la négociation, on ne pourra rien dire de plus ? Évidemment non, surtout ici où il ne s’agit pas de « domaines » du droit stricto sensu, mais de modalités pratiques. Un avocat qui dit « droit de la famille, droit pénal et droit du travail », ne pourra plus ajouter « droit des étrangers » ? C’est déjà plus probable. Idem, -l’exemple est de Kami Haeri sur Twitter, merci à lui-, « Financements structurés, Dette, Titrisation, Produits dérivés, Émissions obligataires » sont des compétences relevant d’une même famille d’activités, l’avocat devra-t-il choisir ? Ici, nous ne pensons pas que l’avocat qui se décrit ainsi est en infraction. En fait, les "domaines d'activités dominantes", sont certes une notion ad hoc, qu’il va falloir préciser au fur et à mesure, mais tout de même le bon sens peut donner quelques indications. On pense plutôt à de grandes catégories du droit. En effet, de même que votre médecin n’est pas allergologue, gynécologue et stomatologue en même temps, votre avocat ne fait pas des successions, des brevets et du droit de l’environnement en même temps…

Ce qui comptera lorsque le contrôle se fera, et lorsque les avocats définiront les activités qu’ils souhaitent mettre en avant, c’est leur pratique. Pratique au sens général, il n’y a pas de listes, pas de nombres de dossiers, pas de pourcentage de chiffre d’affaires précisés. La communication, et là rien de bien neuf, doit refléter ce que fait l’avocat, c’est ainsi qu’il sera bien compris de son client. L’article 10.2 le précise : « l’information relative aux domaines d’activités dominantes, dont le nombre revendiqué ne peut être supérieur à trois, doit résulter d’une pratique professionnelle effective et habituelle de l’avocat dans le ou les domaines correspondants ». Et c’est bien l’avocat et non le cabinet qui est concerné. Cela impose de bien réfléchir à sa pratique et à sa cohérence et donc à la façon de la raconter. Afin que la communication porte l’avocat et le serve et permette aux clients d’avoir une information la plus complète et la plus juste possible. Il n’est peut-être pas intéressant de dire qu’on fait tel ou tel droit. Mais plutôt qu’on couvre toutes les questions juridiques du patrimonial ou de la création par exemple, quand on a une activité avec beaucoup de transversalité. C’est celle-ci qui est la pratique, non tel ou tel droit. Donc on ne mettra pas en avant ces droits. N’oublions pas que le jargon juridique, y compris le découpage des domaines de droit, n’a pas forcément de sens pour les clients ! Tout cela nécessite d’adapter son langage à son public.

Que faire ? 

3 : le principe : la protection du client.

La sincérité de l’information donnée sous-tend toute la réflexion du CNB, « lorsque l’avocat communique sur la nature des prestations de services proposées, il doit procurer une information sincère ». Rappelons déjà que la déontologie n’est pas faite dans l’intérêt des avocats, mais dans celui des clients et des prospects. La bonne information du consommateur prime. La communication repose elle aussi sur la sincérité. La plupart des communicants vous diront que le mensonge est à bannir… de ce point de vue, tout va dans le même sens : le client ! et cela, le communicant ne peut que s’en réjouir, c’est sa feuille de route.
 

Satellitis Nathalie Rehby Communication Conseil national des barreaux (CNB)