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Préparer la succession du <em>managing partner</em>

Par Jérôme Rusak- Associé DAY ONE

Les cabinets d’avocats d’affaires sont tous confrontés à un moment de leur vie à la succession du managing partner ou de l’associé fondateur. Dans bien des cas, cette étape se révèle extrêmement dangereuse car elle remet en question la vision et par de-là la pérennité même du cabinet. Et s’il faudra encore attendre au moins 15 ans avant de pouvoir avoir un cabinet français centenaire (Bureau Francis Lefebvre, Gide, Jeantet notamment), nombre de cabinet anglo-saxons ont eux déjà plusieurs siècles. Quelles sont les grandes phases ? Quels sont les écueils à éviter ? Quels sont les points clefs à garder en tête ?

La succession du managing partner est un processus complexe qui relève d’un véritable plan stratégique et nécessite une planification forte dans le sens où il impacte tous les leviers de développement, d’organisation et surtout de gouvernance du cabinet : le positionnement du cabinet, le leadership, l’organisation et la gouvernance, la politique d’association et de rémunération, la gestion du capital humain, la culture, la relation intuitu personae avec les clients, les prescripteurs voire avec les prestataires… Ce processus de succession doit répondre à un triple objectif :
- assurer la continuité du cabinet ;
- se donner les moyens de la poursuite de l’activité du cabinet ;
- remplacer les personnes détenant le pouvoir dans le cabinet.

Trois temps apparaissent.
 
1. 1er temps : socialisation et apprentissage : la phase « d’incubation »

- L’associé fondateur assure la gestion du cabinet et formalise la vision, les valeurs et la stratégie à long terme du cabinet avec ses associés.
- Cette période permet d’assurer la transmission et la légitimation des savoirs sociaux, la culture, les codes, les valeurs du cabinet… au futur managing partner (non identifié à ce stade).
- Il s’agira aussi d’anticiper le passage de relais avec les clients du managing partner et le reste du cabinet
 
2. 2e temps : le choix du successeur  / développement et formation des successeurs potentiels

2.1. Les variables qui influencent le processus de succession
- Le positionnement du cabinet.
- L’organisation du cabinet et l’environnement.
- La motivation du managing partner pour assurer la survie et la pérennisation du cabinet
- Le stade de développement du cabinet : en fonction du stade, on ne choisit pas le même profil de successeur (initiation, développement, croissance, maturité, déclin).

2.2. Sélection et légitimité du successeur
- La notion de compétence.
- Avant la succession, le futur managing partner devra asseoir sa crédibilité et légitimer sa position de successeur potentiel.
- Le futur managing partner ne doit pas être le plus petit dénominateur commun, ou celui qui fait le mieux la synthèse des différents courants, mais bien celui qui doit porter la vision, la culture et le dynamisme aux cotés de ses associés.

2.3. Eviter la crise de succession
- S’il n’y a qu’un candidat potentiel : le problème est le temps et la préparation.
- S’il y a plusieurs candidats : le problème est de développer la coopération et la compétition en même temps entre des managing partners potentiels.
- S’il n’y a pas de candidat naturel : le problème résiderait alors dans le choix d’un candidat externe pouvant constituer une atteinte aux traditions et à la culture existantes du cabinet. Cette étape doit alors prendre encore plus de temps pour être acceptée des deux cotés.


3. 3e temps : règne conjoint et désengagement du managing partner sortant

3.1. Les résistances à la succession
- La résistance du managing partner sortant : le managing partner sortant ou associé fondateur peut, volontairement ou involontairement, limiter l’autonomie de gestion du nouveau managing partner. Un travail de « deuil » du managing partner sortant est nécessaire. Les anglo-saxons ayant créé la fonction de senior partner souvent utilisée pour donner du temps au temps entre l’ancien et le nouveau managing partner... une sorte de « président non exécutif » !
- La résistance du cabinet : il peut exister une gêne ou des non-dits par rapport à la succession du managing partner au sein même du cabinet. Le sujet peut être tabou car on n’imagine pas une autre personne que l’associé fondateur diriger le cabinet.
- La résistance des parties prenantes externes : les clients, prescripteurs, prestataires externes ne veulent pas perdre la relation privilégiée qu’ils ont établie avec le managing partner .

3.2. Le transfert du pouvoir
- Progressivement les rôles entre le successeur et le sortant s’inversent :
1. Le successeur s’affirme de plus en plus comme « aidant » et le managing partner sortant devient « monarque » (« Président non exécutif »).
2. Le successeur adopte le rôle du manager et le managing partner sortant celui de délégateur/superviseur. On pourrait imaginer aussi un fonctionnement à « Directoire / Conseil de Surveillance » dans lequel le managing partner sortant deviendrait le « Président du conseil de surveillance » avec tous les attributs d’un conseil de surveillance et notamment celui d’une instance de contrôle.
3. Le successeur devient dirigeant à part entière (leader, décideur) et le managing partner sortant peut adopter un rôle de conseiller/consultant
- Pour qu’il y ait passation des pouvoirs, les actifs (parts d’associés) doivent être transférés en prenant précaution de s’entourer de conseillers extérieurs appropriés.

3.3. Le successeur : un managing partner visionnaire
- Dans un premier temps, la réaction du nouveau managing partner peut être d’éviter les échecs et fuir les situations trop risquées.
- Puis, le successeur doit démontrer qu’il est un visionnaire avec la lourde tâche de faire évoluer le modèle, sans trahir son histoire et sa culture.
- Rechercher la continuité dans le changement.
- Partager, communiquer la vision et faire adhérer l’interne.

Conclusion
La succession du managing partner s’inscrit dans un processus où le psychologique et la gestion humaines sont clefs. Mais surtout elle se planifie sur plusieurs années pour identifier non seulement le meilleur successeur mais aussi pour préparer son propre « deuil » de managing partner sortant.