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Gérer le retour à l’anormal

Par William Cargill, Fondateur, Deinceps

La fin du confinement signifie-t-elle retour à la normale ? Ne faudrait-il pas plutôt parler d’un retour à l’anormal … et de ses conséquences ?

Nous avons tous profité de ce confinement inédit pour nous interroger sur la marche du monde, sur ses incohérences et les risques que fait prendre à l’ensemble de l’humanité notre mode de vie. Nous avons tous profité du silence lié à l’absence de circulation pour mieux profiter de la ville ou de la nature, pour entendre à nouveau les oiseaux chanter en plein Paris ou voir les animaux s’approcher des villes et villages. 

Nous avons réalisé que ce qui nous manquait le plus était notre liberté de mouvement, la présence de nos proches et de notre famille, de partager un moment entre amis, de nous embrasser, bref, de pouvoir vivre normalement. Nous avons également pris conscience de l’importance de la solidarité, de la fraternité et de l’absurdité du rythme effréné de notre existence. Nous nous sommes pris à rêver à un monde d’après.

La tentation : retrouver notre monde d’hier pour nous rassurer…

L’être humain est ainsi fait que le premier réflexe est de se précipiter vers le monde d’hier, de retourner à ses habitudes pour se rassurer et retrouver ses repères, même quand elles n’ont décidément pas de sens : prendre l’avion pour passer un week-end à l’autre bout de l’Europe sans avoir même visité son propre pays, pourtant première destination touristique mondiale.

Ainsi, dès l’annonce de la date de la fin du confinement, chacun s’est focalisé sur le comment du déconfinement. 

Au lieu de s’apparenter à la libération tant attendue et à un retour à la normale, la fin du confinement a rapidement pris des allures d’imbroglio qui en font de facto un retour à l’anormal !

La complexité des situations très concrètes auxquelles ont dû faire face les différents décideurs, au premier rang desquels les Directions des Ressources Humaines ou les Office Managers des cabinets rendait tout simplement impossible un retour au travail dans des conditions « normales ». Faire revenir « les gens » sur leur lieu de travail ou non ? Si oui, dans quelles conditions de sécurité sanitaire ? Comment, très concrètement, s’assurer que le personnel présent pourra circuler et ne pas se mettre en risque ? Quels horaires d’ouverture pour les bureaux ? Pour quelle catégorie de personnels ? Comment pourront-ils accéder aux locaux ? Comment justifier ou non du maintien en chômage partiel de certains ? 

Bref, les différents textes publiés, souvent à la dernière minute tant leur rédaction a dû se révéler complexe, et qui parfois se contredisaient, ont dû être décryptés et mis en œuvre à une vitesse ne permettant ni sérénité, ni sécurité ni même efficacité dans la mise en action des préconisations. 

… sans tenir compte de l’anxiété que le confinement a pu déclencher

Les difficultés des conditions du déconfinement ne doivent cependant pas masquer un véritable tsunami qui, quoique moins visible en surface, n’en est pas moins beaucoup plus profond et sournois. La période vécue a révélé des fragilités, des failles et des incertitudes, sources d’angoisses qui, même si elles ne sont pas visibles, n’en restent pas moins profondes et qu’il est important de prendre en compte. 

Durant la période de confinement, nous avons vécu une aventure collective car nous étions tous placés dans une situation identique. Tout le monde vivait, en même temps, la même situation étrange et inédite, un peu comme des vacanciers bloqués dans un aéroport suite à une annulation de tous les vols. 

Ce sentiment de vivre une situation collective a mis de côté soucis et angoisses individuels. Chacun vivant, en quelque sorte, la même expérience, nous étions voués à une destinée collective et par conséquent rassurante. L’annonce de la date de fin du confinement général a sonné la fin de cette première phase et a ouvert une seconde phase, totalement différente.

Avec l’annonce de cette date, chacun s’est retrouvé plongé dans une situation devenue soudainement et brutalement individuelle. Du nous, chacun est passé au je et le réconfort de la situation collective a fait place aux incertitudes et à l’angoisse des situations individuelles. 

Le manque de clarté des modalités du déconfinement, sur ce qui serait autorisé ou non, sur la date de reprise d’une activité normale et de nature à permettre à chacun de gagner à nouveau sa vie, de retrouver les siens, à quoi il convient d’ajouter des nuages jamais connus qui pèsent sur l’économie en général ont créé un niveau d’angoisse et d’inquiétude rarement rencontré à une si grande échelle. 

Rétablir le lien pour construire le monde d’après 

Pour accompagner ce retour à l’anormal, il appartient aux dirigeants, managers et Responsables des Ressources Humaines de ne pas se focaliser sur les seules difficultés matérielles et organisationnelles et de prendre en compte les bouleversements profonds avec lesquels les collaborateurs reviendront après cette longue coupure. 

Pour gérer ce retour à l’anormal et ne pas rater ce moment où l’on se « retrouve », il est important de prendre le temps de rétablir le lien, favoriser les échanges, proposer des partages d’expériences et surtout, être vigilant envers un mal-être qui peut passer inaperçu mais qui est pourtant bien présent. Alors, continuons à prendre soin des autres, même et surtout après le déconfinement !

William Cargill deinceps Covid-19 Coronavirus