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Confidentialité des avis juridiques : l’AFJE veut gagner la bataille de l’opinion

Par Miren Lartigue

L’Association française des juristes d’entreprise (AFJE) organisait la 5e édition de son Campus vendredi 16 octobre à Paris. L’occasion de dresser un bilan de la bataille menée cette année sur le terrain de la confidentialité des avis des juristes et de mobiliser ses troupes pour continuer le combat.

“Les enjeux pour l’entreprise de la confidentialité des avis juridiques” : tel était le thème choisi par l’AFJE pour la séance plénière de sa journée annuelle de formation. En forme de table-ronde, celle-ci a réuni Stéphanie Fougou, présidente de l’AFJE et general counsel de Vallourec, Marc Mossé, vice-président de l’AFJE et directeur des Affaires juridiques et publiques de Microsoft France, Jean-Christophe Sciberras, directeur des ressources humaines et des relations sociales de Solvay, et Thierry Hurtes, P-DG de Société de Motorisations Aéronautiques (SMA, filiale du groupe Safran).

« Le sujet est sur la table depuis 25 ans et nous allons continuer à le remettre sur la table », a déclaré d’emblée Stéphanie Fougou, avant de revenir sur les débats qui ont mobilisé les associations de juristes d’entreprise en début d’année autour de la confidentialité de leurs avis dans le cadre de l’examen du projet de loi Macron. Un terrain sur lequel le soutien des avocats est à géométrie variable. « Nos confrères anglo-saxons sont les premiers à nous soutenir », a-t-elle précisé. En France, en revanche, « les avocats d’affaires entendent très bien nos demandes, l’opposition vient de ceux qui ne travaillent pas avec les entreprises ».

Du côté des entreprises justement, « nous avons réussi à obtenir plus de 150 signatures d’entreprises pour la pétition qui a été déposée sur le bureau de Monsieur Macron au printemps dernier, dont celle de l’Afep et du Medef », a-t-elle rappelé. Reste que c’est encore « un sujet un peu obscur pour les chefs d’entreprise dans les PME, il faut leur expliquer », a témoigné Thierry Hurtes, lui-même P-DG d’une entreprise de taille moyenne. De fait, « les débats autour du projet de loi Macron ont montré qu’il y a une profonde méconnaissance de ce qu’est le métier de juriste d’entreprise, a relevé le vice-président de l’AFJE, Marc Mossé. Cela traduit le fait que la France n’accorde pas au droit la place qu’il devrait avoir dans l’entreprise. »

Intérêt général et bien commun

Parmi les questions soulevées au cours du débat parlementaire, « la confidentialité ne va pas de soi parce que le juriste est un salarié de l’entreprise, a rappelé le DRH Jean-Christophe Sciberras. Le médecin du travail qui est salarié de l’entreprise bénéficie du secret médical au nom d’un intérêt légitime : la protection de la vie privée du salarié. Y-a-t-il un intérêt légitime à ce que le juriste bénéficie du secret professionnel ? » « L’entreprise est un bien commun qu’il faut protéger, a répondu le chef d’entreprise Thierry Hurtes. Il faut gagner la bataille de l’opinion et la notion d’intérêt général est centrale dans cette bataille. Voilà un bon moyen de faire passer le message auprès de l’opinion publique. »

Autre enjeu d’intérêt général, selon Marc Mossé : « La fonction de conformité, de plus en plus prégnante, implique de faire un travail d’analyse des risques et des solutions, d’acculturation des salariés par le biais de formations, et donc de générer beaucoup d’écrits et encore plus de risques pour l’entreprise si les interprétations du droit par les juristes ne sont pas protégées. » Quant à la perspective, évoquée dernièrement par le ministre de l’Économie, d’accorder le statut d’avocat aux seules très grandes entreprises, elle ne convainc pas le directeur juridique de Microsoft France : « Ce qui est en cause, c’est l’intérêt légitime de l’entreprise, pas sa taille, a-t-il poursuivi. D’ailleurs, le Syntec Numérique, qui représente un très grand nombre de petites entreprises, a beaucoup appuyé notre combat. »

De gauche à droite, Marc Mossé, Jean-Christophe Sciberras, Stéphanie Fougou et Thierry Hurtes   ©Miren Lartigue

Un sujet toujours d'actualité

Reste que si la récente suggestion du ministère n’est pas satisfaisante, « c’est un signe que le sujet est toujours vivant », a poursuivi Marc Mossé : « Fabriquons du consensus avec les avocats, continuons à positionner ce sujet comme un sujet d’intérêt général, et je suis persuadé que cela ne s’arrêtera pas là et que cela ne prendra pas 25 autres années. La mobilisation a profondément inscrit ce sujet dans l’agenda, et il y aura bientôt une nouvelle étape. » « L’AFJE sera toujours au premier front mais, s’il vous plaît, activez les 17 000 juristes d’entreprise [que compte la profession en France] », a conclu la président de l’association, Stéphanie Fougou, à l’attention des adhérents réunis ce jour-là.


M.L.

 

 

 

 
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