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Résoudre les différends efficacement hors des tribunaux

Par Thibaud Roujou de Boubee, collaborateur, et Lédéa Sawadogo-Lewis, arbitration business lawyer, Hogan Lovells

« La justice va mal ». C'est en ces termes que la Commission des lois du Sénat commençait son Rapport sur l'état de la justice en 2017. Ce dernier constatait notamment un important manque de moyens et une augmentation du nombre d'affaires en attente de jugement, les délais s'étant allongés « de sept mois et demi à près d'un an pour les tribunaux de grande instance ».

Malgré les différents engagements pris par l’État pour augmenter le budget de la justice, les moyens de ce service public régalien inquiètent. Son budget a déjà été revu à la baisse et la crise du Covid-19 fait peser un nouveau un risque de restrictions, une année où la grève des avocats et les mesures de confinement ont déjà compliqué l'accès à la justice. Il faut espérer que cette crise ne sera pas l'occasion réduire un budget qui ne représentait déjà en 2019 que 4 euros pour chaque millier d'euros dépensé par l’État.

La loi de programmation de la justice 2018-2022 tentait déjà de répondre à cette tension budgétaire en encourageant le développement d'une « culture du règlement alternatif des différends », c’est-à-dire de l'arbitrage, de la médiation et de la conciliation. Ces procédures seraient-elles la solution? 

Les avantages leur étant associés pourraient bien le suggérer. Ces procédures étant accessibles par simple accord des parties, elles peuvent être envisagées dans bien des cas et même en présence d'une clause attributive de juridiction. Contrairement aux procédures judiciaires, elles présentent par ailleurs l'avantage de pouvoir être confidentielles, flexibles et rapides.

Qu'est-ce que l'arbitrage ?

L'arbitrage est un mode contentieux de résolution des différends, permettant à des arbitres, nommés par les parties, de trancher un litige. C'est une procédure flexible, que les parties peuvent définir en se référant à des centres ou règlements dédiés. La « Legal Tech » voit naitre de nombreux acteurs proposant ainsi des arbitrages à faible coût.

L'arbitrage se divise généralement en quatre phases.

La première phase d'un arbitrage fixe le cadre. Les parties présentent leur position, nomment les arbitres et définissent le calendrier procédural. La nomination des arbitres se fait en fonction de l'absence de conflits d'intérêts, de leur disponibilité et de leur expérience et le calendrier est fixé selon les spécificités de l'affaire.

La deuxième phase voit les parties affiner leurs positions. Elles vont échanger des écritures, formuler des requêtes de documents à la partie adverse et éventuellement solliciter l'intervention d'experts, pour parfaire leur analyse du dossier. 

La troisième phase est celle de l'audience. Elle permet des plaidoiries et l'interrogatoire de témoins et experts. Dans le cas de dossiers complexes, il arrive que les parties soumettent également des écritures post-audience.

La quatrième phase est celle de la sentence arbitrale. La sentence est finale car il n'y a en principe pas d'appel et elle peut être reconnue et exécutée dans 163 pays à travers le monde.

Qu'est-ce que la médiation ? 

La médiation n'est pas une procédure contentieuse. Elle prévoit la nomination d'un médiateur qui aura pour mission d'aider les parties à trouver un accord mettant fin à leur différend. La nature non contentieuse de la médiation permet d'accorder une attention particulière aux besoins respectifs des parties, favorisant par exemple la renégociation de contrats. 

La médiation se divise généralement en trois phases.

La première phase définit le cadre. Après que les parties aient présenté leur position, un médiateur est nommé en fonction de l'absence de conflits d'intérêts, de sa disponibilité et de son expérience. Un calendrier des réunions est également établi par les parties.

La deuxième phase vise à identifier des zones d'accord. Des réunions permettent aux parties d'échanger en présence d'un médiateur, afin de déterminer les points de tensions. Le médiateur pourra s'entretenir séparément avec chacune des parties, et leur fournir un avis neutre sur les points qu'elles ne souhaiteraient pas échanger avec la partie adverse.

La troisième phase formalise l'accord des parties. Les parties échangent des propositions que le médiateur pourra revoir et commenter. Si les parties trouvent un terrain d'entente, elles pourront le formaliser par un protocole transactionnel ayant une valeur contractuelle. Pour donner une force exécutoire à cet accord, elles peuvent en demander l'homologation au juge, ce qui permettra de le faire exécuter sans avoir à passer par le contentieux en cas de manquement de l'une des parties.

Qu'est-ce que la conciliation? 

La conciliation se distingue de la médiation par la qualité du tiers rapprochant les parties. Elle est menée par le juge saisi du différend ou un conciliateur de justice, nommé par le juge ou les parties. Sauf quand elle est imposée par la loi, la conciliation a lieu, soit à l'initiative du juge saisi, soit à l'initiative des parties.

La conciliation se divise généralement en trois phases.

La première phase d'une conciliation permet de sélectionner le conciliateur et préciser la durée de sa mission. Si la conciliation est conventionnelle, les parties s'accordent pour nommer un conciliateur, si elle est juridictionnelle le juge se charge de la conciliation ou la délègue à un conciliateur de justice.

La deuxième phase permet au conciliateur et aux parties de cerner les points de tensions. Pour cela, le conciliateur peut se déplacer sur les lieux pertinents et il peut entendre toute personne dont l'audition lui paraîtrait utile. Les constatations du conciliateur de justice ne peuvent être ni produites ni invoquées dans la suite de la procédure ou une autre instance sans l'accord des parties.

La troisième phase permet aux parties de formaliser un accord. Cet accord peut être proposé par les parties ou le conciliateur. Comme pour la médiation, il a une valeur contractuelle et les parties ont la possibilité d'en demander l'homologation par le juge.

Hogan Lovells Lédéa Sawadogo-Lewis Thibaud Roujou de Boubee Commission des lois du Sénat Sénat