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Publication de la seconde édition du Resource Guide to the Foreign Corrupt Practices Act

Par Nicolas Brooke, associé, cabinet Signature Litigation

Le Parquet fédéral (US Department of Justice ou DOJ) et la principale autorité de marché américaine (Securities Exchange Commission ou SEC) ont récemment fait paraître la seconde édition d’une référence majeure dénommée Resource Guide to the Foreign Corrupt Practices Act.

Alors que le nombre de poursuites et de transactions conjointes a fortement augmenté ces dernières années dans des affaires de corruption internationale (on songe notamment aux récentes affaires Société Générale et Airbus) la jurisprudence américaine demeure peu fournie, et le guide vient combler cette lacune. En outre, huit ans après la parution de sa première édition, le guide propose une synthèse et une mise à jour de l’abondante littérature produite par les agences américaines en la matière, en particulier les lignes directrices du DOJ relatives à l’évaluation des programmes de compliance (Evaluation of Corporate Compliance Programs, publié en avril 2019, et mis à jour en juin 2020). Le guide consacre également des développements intéressants à la question des cas de corruption identifiés au moment d’une opération de rapprochement ou de prise de contrôle d’entreprises, qui semble actuellement être l’une des préoccupations majeures du DOJ. Il est notamment indiqué que le DOJ et la SEC ne poursuivront vraisemblablement pas les entreprises qui, après avoir identifié des actes illicites au sein d’une cible récemment acquise, prennent les mesures de mise en conformité qui s’imposent et révèlent les faits aux autorités. Tout comme le FCPA Corporate Enforcement Policy qui indique qu’une entreprise auto-dénonçant des faits de corruption pourrait échapper à toutes poursuites, le guide met donc l’accent sur l’intérêt que peut présenter l’auto-régulation et une totale transparence envers les autorités de poursuite aux États-Unis.

Le guide tire également les conséquences d’un revers subi par le DOJ sur la question de la compétence territoriale des autorités de poursuite américaines. L’édition précédente du guide faisait valoir que des personnes étrangères pouvaient faire l’objet de poursuites aux États-Unis pour des faits de corruption même dans l’hypothèse où elles n’avaient commis aucun acte répréhensible aux États-Unis, mais s’étaient rendues complices (aiding and abetting) ou avaient participé à une « conspiration » (conspiracy) dans le but de mettre en œuvre un pacte de corruption avec des personnes auxquelles le FCPA serait applicable. Or, dans la fameuse affaire Hoskins, la cour d’appel du second circuit fédéral a jugé que dans la mesure où la législation américaine propose une liste limitative des personnes potentiellement sujettes à répression, le parquet ne peut mettre en accusation des personnes de nationalité étrangère et dont les agissements potentiellement répréhensibles n’ont pas été commis sur le territoire américain (et qui ne sont donc pas expressément visées par le FCPA) en invoquant la complicité ou la conspiration. La seconde édition du guide relève désormais que « s’agissant à tout le moins du second circuit, une personne physique peut faire l’objet de poursuites pour avoir participé à une « conspiration » pour commettre une infraction aux dispositions réprimant la corruption aux termes du FCPA ou de s’être rendus complices d’une violation des dispositions réprimant la corruption, à condition que le comportement et le rôle joué par cette personne tombe dans l’une des catégories expressément prévues par les dispositions du FCPA réprimant la corruption ». Le DOJ et la SEC relèvent toutefois que la jurisprudence Hoskins n’a pas été suivie par la US District Court for the Northern District of Illinois dans l’affaire United States v. Firtash (392 F. Supp. 3d 872, 889 (N.D. Ill. 2019). À supposer qu’une juridiction de jugement autre que celles du ressort du second circuit puisse être saisie, il n’est donc pas acquis que le DOJ n’invoque pas la conspiration ou la complicité pour lancer des poursuites contre des personnes ne présentant aucun point de contact avec les États-Unis.

Bien que le guide soit dépourvu de toute valeur contraignante, il revêt une importance fondamentale pour comprendre la lecture qu’adoptent le DOJ et la SEC des dispositions du FCPA en matière de répression de la corruption internationale et des infractions comptables connexes, ainsi que de leurs attentes en matière de programmes de compliance. Les directions juridiques et compliance de groupes français potentiellement exposés à la législation américaine tireront profit de sa lecture dans le cadre des efforts qu’elles déploient en matière de prévention du risque des atteintes à la probité. 

Nicolas Brooke Signature Litigation Société Générale FCPA DOJ américain Resource Guide to the Foreign Corrupt Practices Act