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L’intervention des Safer dans les transferts de domaines viticoles

Par Jacques Goyet et Louis Vallet, Bignon Lebray

Les domaines viticoles sont bien souvent organisés sur le plan juridique en société, voire en plusieurs sociétés (le plus classiquement une structure propriétaire du foncier et une autre exploitante des vignes). Le transfert de propriété d’un domaine viticole est dans ce cas fréquemment organisé par la cession des actions ou des parts constituant le capital de ces sociétés.

Les transferts de parts ou d’actions de sociétés viticoles comportent parmi leurs spécificités, l’intervention de la Société d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) territorialement compétente.

Les Safer sont des sociétés de droit privé à intérêt général, qui interviennent à l’échelle régionale dans l'aménagement du territoire rural. Elles ont notamment parmi leurs missions définies à l’art. L.141-1 du Code rural et de la pêche maritime (CRPM), l’aide à « l'installation [..] d'exploitations agricoles [..] ainsi que l'amélioration de la répartition parcellaire des exploitations » et la « transparence du marché foncier rural ».

Conformément à l’article L.141-1-1 du CRPM, toutes les cessions entre vifs conclues à titre onéreux ou gratuit portant sur des biens ou droits mobiliers ou immobiliers mentionnés à l'article L.141-1, II du CRPM incluant notamment « les biens ruraux, des terres, des exploitations agricoles ou forestières » ainsi que les « actions ou parts de sociétés ayant pour objet principal l'exploitation ou la propriété agricole », doivent être préalablement notifiées à la Safer. La viticulture est naturellement une activité agricole qui entre dans le champ de compétence de la Safer.

Selon l’article L.311-1 du CRPM, « sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l'exploitation d'un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation [..] » 

L’analyse de l’objet principal d’une société dont les titres sont cédés est ainsi primordiale. Le Conseil d’Etat a par exemple écarté l’existence de tout caractère agricole au sens de l’article L.311-1 précité d’une société qui n’exploite pas de vignes et a pour objet, outre le négoce de vin, la sélection, la vinification et l'élevage de raisins qu'elle acquiert auprès de viticulteurs (CE, 18 févr. 2009, n° 300659 ; CE, 20 nov. 2013, nº 360562). Ainsi, l'activité de négoce de vins, fondée sur l'achat pour revendre, revêt un caractère commercial au sens de l’article L.121-1 du Code de commerce et la cession des titres d’une société ayant cet objet n’est pas soumise aux dispositions précitées.

Pour mémoire, la Safer dispose de deux outils juridiques renforcés au cours des dernières années : un droit d’information et un droit de préemption.

Dans chaque cas, le transfert du bien agricole envisagé fait l’objet de l’envoi à la Safer d’un formulaire auquel doivent être joints certains documents le cas échéant, deux mois au plus tard avant la date de réalisation du transfert.

Un délai plus court peut être sollicité lors de l’envoi du formulaire mais la Safer n’est pas tenue d’y répondre favorablement, ni même d’y répondre d’ailleurs

Ce délai de deux mois permet à la Safer d’analyser l’objet de la cession, de vérifier les droits dont elle dispose et notamment si elle bénéficie d’un droit de préemption à cet égard ainsi que de suivre l’évolution de la détention du foncier.

La notification concerne tout type de transfert (cession, donation, apports, démembrement) y compris si l’opération ne concerne qu’un seul titre.

En cas de violation de l’obligation d’information, le préfet peut prononcer une amende comprise entre 1.500€ et 2 % du montant de la transaction concernée.

En cas de violation de son droit de préemption, la Safer peut solliciter l’annulation de la cession ou se substituer à l’acquéreur.

Le prix auquel préempte la Safer est tranché par le juge en cas de désaccord étant précisé que le cédant peut renoncer à la vente si le prix diffère de celui de son projet de cession initial.

D’autres spécificités propres aux transferts d’actifs agricoles peuvent également devoir être prises en compte telles que la soumission du transfert au contrôle des structures mais la plus importante demeure la soumission à l’autorité de contrôle qu’est la Safer.
 

Bignon Lebray Jacques Goyet Louis Vallet Société d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) Code rural et de la pêche maritime (CRPM)