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Libéralisation du transport ferroviaire de passagers : quels acteurs, quels projets, quels risques ?

Par Arnaud Troizier, associé, cabinet Watson Farley & Williams

Le processus d’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de passagers prend corps, alors que les candidats à l’attribution des premières concessions viennent de remettre leurs candidatures.

Depuis le 23 décembre 2019, l’État et les régions françaises sont autorisées à conclure des contrats de service public pour le transport de passagers (État pour les liaisons Intercités, régions pour les dessertes de TER – transport express régional). À compter du 25 décembre 2023, ces mises en concurrence seront obligatoires.

Le législateur français a fait le choix de la concession comme modèle contractuel pour ces contrats de service public : l’environnement juridique de ces contrats est bien établi et ces contrats sont usuellement pratiqués par les collectivités publiques françaises. La concession se singularise par le fait que le concessionnaire doit supporter un véritable risque d’exploitation, c’est-à-dire qu’il doit être réellement exposé aux aléas du marché et ne pas être assuré d’amortir les coûts qu’il expose pour la réalisation des missions qui lui incombent. Pour autant, le versement, par le concédant, de subventions à son concessionnaire n’est pas proscrit, à la condition que ces subventions, par leur montant et/ou les modalités de leurs calculs, ne viennent pas annihiler le risque d’exploitation du concessionnaire. Dans le cadre du transport ferroviaire de passagers, les contrats de concession porteront en premier lieu sur le service de transport (y compris la billettique, le cas échéant) mais pourront également confier au concessionnaire la remise en état et l’entretien de l’infrastructure ferroviaire, la création de centres de maintenance des matériels roulants, ainsi que la fourniture de nouveaux matériels roulants. Le choix de la concession et la diversité des prestations en jeu ont conduit des acteurs très divers à manifester leur intérêt pour les premiers projets mis en concurrence et à former des groupements pour proposer leurs services : opérateurs ferroviaires, naturellement (y compris l’opérateur ferroviaire historique, par l’intermédiaire de filiales), mais également investisseurs (y compris publics) et constructeurs, familiers de la commande publique et des projets d’infrastructure.

Plusieurs autres considérations seront également à prendre en compte s’agissant de la structuration de ces projets et des risques susceptibles d’être portés par ces différents acteurs.

• La coopération de la SNCF sera sans aucun doute déterminante : la loi impose en effet à la SNCF de transférer aux autorités organisatrices de transport (régions et État) les données relatives à l’exploitation passée ; ce sont également les personnels de l’opérateur ferroviaire historique qui devront être transférés si un nouvel entrant remporte une concession ; enfin, les matériels roulants (ainsi que les ateliers de maintenance) pourront également être repris par le nouvel exploitant. Sur ces trois points, les informations reçues de la SNCF auront un impact direct sur la transparence des mises en concurrence, la qualité des dossiers de consultation et in fine la qualité des offres remises par les candidats concessionnaires.

• Les choix des régions en matière de périmètre des lignes à opérer et de niveau de service seront primordiaux : ils dimensionneront le trafic prévisible, les types de matériels roulants à utiliser (existants, nouveaux, à rafraichir ?) et in fine le niveau des investissements à réaliser, la durée des concessions et la répartition des risques entre les différents acteurs. On sait que certains fonds d’investissement peuvent se montrer volontaires pour supporter le risque de revenus ; ils peuvent être d’une grande utilité pour structurer des projets faisant intervenir des expertises industrielles multiples ; les prêteurs, quant à eux, auront besoin d’être rassurés sur la pérennité des revenus de ces projets et le positionnement possible des propriétaires et exploitants de matériel roulant reste encore à définir.

Au total, les acteurs de la libéralisation ferroviaire peuvent donc se reposer sur quelques certitudes et nourrir plusieurs espérances. Gageons surtout que les prochaines mises en concurrence contribueront à dissiper les nombreuses incertitudes qui demeurent à ce jour. 

SNCF Watson Farley & Williams Arnaud Troizier