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Le volet concurrence de la loi DDADUE : nouvelle étape dans la convergence européenne et durcissement des règles pour les entreprises

Par Christophe Lemaire, avocat associé, cabinet Ashurst

Les évolutions issues du volet concurrence de la loi DDADUE du 3 décembre 2020 ont en commun de rapprocher le droit français du droit européen et de renforcer les pouvoirs des autorités de concurrence.

Les dispositions « concurrence » introduites dans la loi DDADUE ont été présentées comme des adaptations au droit de l’Union européenne et des simplifications procédurales. L’apparence est trompeuse : ces mesures portent sur des questions où le droit européen ne commande pas nécessairement d’adaptation et leur portée va bien au-delà de simples aménagements.

Les mesures issues directement de la loi conduisent à un renforcement des pouvoirs de l’Autorité de la concurrence et à un affaiblissement des droits des entreprises.

En effet, la loi simplifie d’abord la mise en œuvre des mesures d’enquêtes lourdes : l’Autorité pourra demander des autorisations de visite et saisie auprès d’un seul juge même si celles-ci interviennent dans le ressort de plusieurs juridictions. De même, le nombre d’officiers de police judiciaire chargés d’assister aux opérations pourra être réduit à un par site visité.

Par ailleurs, dans le cadre de la procédure de clémence, l’avis adressé aux entreprises et jusqu’ici émis par le collège de l’Autorité disparaît, au bénéfice d’un nouveau pouvoir accordé au rapporteur général.

La loi renforce aussi les pouvoirs de l’Autorité Outre-mer avec l’introduction d’une nouvelle infraction et l’assouplissement des conditions du recours à l’injonction structurelle.

Elle étend ensuite les pouvoirs de la DGCCRF qui pourra faire usage de son pouvoir d’injonction et de transaction pour des pratiques qui pourront avoir une dimension nationale et non plus seulement locale.

Mais l’évolution la plus marquante vise la procédure dite simplifiée. Cette procédure, jusque-là réservée aux petites affaires, permettait à l’Autorité d’adopter une décision au terme d’un tour de contradictoire écrit (contre deux dans la procédure normale) et une phase orale, ceci en contrepartie d’une amende plafonnée à 750 000 € par entreprise. Dorénavant, ce plafond est supprimé. Cette procédure peut donc s’appliquer à toutes les affaires, même importantes. La généralisation possible d’une procédure à un tour de contradictoire écrit risque d’affaiblir la richesse des débats devant l’Autorité et les droits de la défense des entreprises visées.

Au-delà de ces évolutions, il y a bien dans la loi DDADUE des mesures d’adaptation au droit européen : celles visant la transposition de la directive 2019/1 dite ECN+… mais elles sont renvoyées à une ordonnance ultérieure (à intervenir sous six mois).

La directive ECN+ vise à rapprocher les moyens des autorités en Europe pour une mise en œuvre plus efficace des règles de concurrence. Plusieurs aspects impacteront la procédure française. En particulier, l’Autorité se verra dotée d’un pouvoir d’opportunité des poursuites, lui permettant de rejeter des saisines n’entrant pas dans ses priorités et ainsi de concentrer ses moyens d’action sur les infractions les plus sérieuses. Elle obtiendra le pouvoir de prononcer d’office des mesures conservatoires, lui donnant la possibilité d’intervenir dans des secteurs à évolution rapide comme le numérique. Elle disposera d’une nouvelle arme redoutable avec le pouvoir de prononcer des injonctions structurelles contre les entreprises. Enfin, les organismes et associations professionnelles verront leur répression renforcée puisque le plafond d’amende qui leur sera applicable passera de 3 M€ à 10 % du chiffre d’affaires mondial cumulé de ses membres…

Comme pour les autres mesures de la loi DDADUE, celles qui résulteront de l’ordonnance transposant la directive ECN+ contribueront aussi à durcir la répression des pratiques anticoncurrentielles. 

DDADUE Christophe Lemaire Ashurst