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Le transport de marchandises à l’heure du déconfinement : obligations réglementaires et risque pénal

Par Pierre-Henri Gout, Fidal

Indispensable au bon fonctionnement de l’économie d’un pays, le secteur des transports est au cœur de toutes les attentions depuis la découverte d’un nouveau coronavirus responsable de cette maladie appelée « covid-19 ».

A l’heure du déconfinement, outre l’application des mesures générales d'hygiène et de distanciation sociale dites « barrières » (I), le gouvernement a prévu des mesures exceptionnelles (II), qui sont encadrées par des dispositions pénales spéciales qui s’ajoutent aux infractions liées au droit du travail (III).

I – Généralités sur les mesures barrières

Afin de ralentir la propagation du virus, il a été décidé que ces mesures devaient être observées en tout lieu et en toute circonstance y compris durant les opérations de transport. Jusqu’au déconfinement, les mesures barrières étaient abordées subrepticement dans les textes réglementaires. D’abord mises en lumière par le décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 puis reprises dans le décret n°2020-663 du 31 mai, elles consistent notamment à « se laver régulièrement les mains » ou encore « se couvrir systématiquement le nez et la bouche en toussant ». Ce décret précise aussi que la distanciation physique est « d’au moins un mètre entre deux personnes », faute de quoi il convient de porter un masque de protection. En liaison avec ces mesures générales, des interdictions et obligations spéciales ont été décidées aux fins de préserver la santé publique.

II - Les dispositions spéciales liées au transport de marchandises

Dans ce même décret, il est prévu, pour les conducteurs, que le véhicule soit équipé d'une réserve d'eau et de savon ainsi que de serviettes à usage unique ou de gel hydro-alcoolique. Quant aux lieux de chargement ou de déchargement, s’ils ne sont pas équipés d'un point d'eau, ils doivent être pourvus de gel hydro-alcoolique. Le texte précise d’ailleurs que lorsque ces mesures sont respectées, l'accès à un lieu de chargement ou de déchargement ne peut pas être refusé à un conducteur.

Parallèlement à ces dispositions réglementaires, s’ajoutent des notes et fiches conseils, éditées par le ministère du travail comme des kits pour les chauffeurs-livreurs et les préparateurs de commandes en entrepôt logistique. On trouve aussi un guide des bonnes pratiques à l’attention des entreprises du transport routier de marchandises et des prestations logistiques, rédigé par les partenaires sociaux et relayé par le ministère. Il comporte des recommandations qui doivent permettre une poursuite d’activité en préservant la santé des salariés, clients, sous-traitants, fournisseurs. Plus précis que le décret du 31 mai, ce document explicite les mesures barrières à adopter pour le personnel administratif, d’exploitation, de conduite, de manutention, de maintenance.

III – Le risque pénal pesant sur les acteurs de la chaîne de transport

A – Le non respect des mesures spéciales de l’état d’urgence sanitaire
En cas d’irrespect des interdictions ou obligations mises en œuvre dans le cadre l’état d’urgence sanitaire, la sanction est échelonnée , avec une peine d’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe (750 €), sauf s’il est recouru à la procédure de l’amende forfaitaire (de 135 € portée à 375 € en cas de majoration). Si une nouvelle violation est constatée dans un délai de 15 jours, l'amende est celle prévue pour les contraventions de la cinquième classe, soit 1500 €, sauf, là encore, s’il y a recours à la procédure de l’amende forfaitaire (de 200 € pouvant être majorée à 450 €). Enfin, pour les « multirécidivistes », si les violations sont verbalisées à plus de trois reprises dans un délai de 30 jours, les faits sont punis de six mois d'emprisonnement et de 3750 € d'amende. A noter que pour les personnes morales, le montant de ces amendes est quintuplé.

B – Les infractions pénales liées au droit du travail

Lorsque la loi le prévoit, la responsabilité pénale peut être recherchée en cas de faute non intentionnelle . Il en va ainsi, même en l’absence de tout dommage, pour la mise en danger délibérée de la personne d'autrui . Ou encore, en cas de dommage causé à la victime, comme lors d’atteintes involontaires à la vie  (homicide involontaire) ou à l’intégrité de la personne  (en cas d’incapacité temporaire de travail). Le transporteur peut aussi, à l’occasion d’un contrôle par l’inspection du travail, être inquiété en cas de manquement aux règles d’hygiène et de sécurité prévues au code du travail. C’est à ce titre qu’une grande entreprise de commerce électronique américaine a été condamnée, au civil, le 14 avril dernier, par le tribunal judiciaire de Nanterre (puis en appel, le 24 avril), pour ne pas avoir effectué une évaluation des risques adaptée à la situation exceptionnelle du moment (distanciation sociale non respectée, formation et information du personnel insuffisantes).

Pour nous limiter à la mise en danger d’autrui et aux atteintes involontaires à la vie ou à l’intégrité de la personne du salarié, signalons qu’en dehors des petites et moyennes entreprises, l’employeur est souvent dans une relation indirecte avec l’accident, c'est-à-dire qu’il n'a pas causé directement le dommage, mais a créé ou contribué à créer la situation qui a permis sa réalisation ou il n'a pas adopté les mesures permettant de l'éviter. Par sécurité juridique et afin que l’employeur puisse justifier de la pertinence des mesures de prévention décidées, il lui est recommandé de mettre en œuvre toutes les dispositions générales et spéciales issues des différents textes ainsi que les préconisations introduites dans des publications même non contraignantes, après consultation du comité social et économique (CSE) s’il existe. Enfin, il est plus que jamais prudent de transmettre les consignes par écrit, aux conducteurs et aux exploitants, afin de se ménager la preuve de la bonne application des dispositions réglementaires et des recommandations de la profession.

Fidal Pierre-Henri Gout