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Le décret sur la prise en charge des produits de santé, temps fort de l’accès au marché pour 2020

Par Charlotte Damiano, avocate associée, et Jean-Baptiste Chagnon, avocat, cabinet Hogan Lovells

A l’occasion d’un PLFSS 2021 placé sous le signe de la maîtrise des dépenses sociales post-Covid et de l’arrivée d’une « vague » d’innovations thérapeutiques, analyse des enjeux du décret du 25 aout 2020 relatif à la prise en charge des produits de santé qui apparaît comme le point d’orgue de l’année en matière d’accès au marché.

Nos commentaires sur le décret n° 2020-1090 du 25 août 2020 (le « décret ») doivent être mis en perspective dans une année 2020 ouverte par les annonces prometteuses du plan d’action de la Haute Autorité de santé (« HAS ») sur l’évaluation des médicaments innovants, depuis relativisées, et qui s’achève sur une réforme décevante de l’accès précoce.

Le décret souffle le chaud et le froid sur l’évaluation et la prise en charge des spécialités pharmaceutiques et des dispositifs médicaux

Le décret a distingué la notion d’évaluation conditionnelle du service médical rendu (SMR), des données complémentaires pour la réévaluation du SMR et de l’amélioration du SMR, par la HAS. Après les attentes suscitées en début d'année, les autorités ont depuis confirmé leurs réticences à la généralisation des évaluations et des prix conditionnels.

Pour les dispositifs médicaux comme pour les médicaments, l’insuffisance des données complémentaires requises par la HAS pourra conduire à une réévaluation défavorable.

Malgré les critiques, le spectre des comparateurs cliniquement pertinents mobilisables dans le cadre de l’évaluation est élargi.
Sans surprise dans le contexte actuel, la suppression de la réinscription quinquennale des médicaments s’accompagne d’un élargissement de leur réévaluation, à l’initiative de la HAS ou de celle des ministres, notamment pour des raisons budgétaires.

En réalité, le décret entérine les pratiques de la HAS. Les médicaments dits « coûteux » sont aussi soumis à des contraintes plus fortes de réévaluation et de prise en charge (médicament d’exception).

Les industriels du secteur des génériques et biosimilaires ont été entendus, ces spécialités pouvant désormais être exonérées d’évaluation scientifique au titre de l’ensemble des listes de remboursement. Une mise en cohérence plus large des dispositions relatives à ces listes a été effectuée pour corriger des carences jusqu’alors partiellement comblées par le Conseil d’Etat.

La prise en charge au titre de la rétrocession hospitalière est simplifiée, en cohérence avec le projet de loi « ASAP » en cours de discussion à l’heure où ces lignes sont rédigées.

Dans l’air du temps, la prise en charge des dispositifs médicaux « connectés » est soumise au respect des dispositions relatives à la protection des données personnelles, suscitant des questions pratiques.

Les décisions défavorables en matière de prix et de remboursement devront être expressément motivées et notifiées mais les procédures contradictoires sont encadrées au profit de l’administration.

La procédure de fixation des remises « obligatoires » pour les médicaments utilisés en association et les dispositifs médicaux est précisée, sans toutefois aucune disposition nouvelle en matière de régulation financière.

Face à un PLFSS qui n’est pas à la hauteur des enjeux, le décret restera le point d’orgue de 2020 en matière d’accès au marché

Le décret s’inscrit dans l’évolution amorcée sur les techniques d’évaluation de la HAS mais des avancées demeurent nécessaires.

Malgré ces carences, il reste le temps fort de l’accès au marché en 2020.

Le PLFSS pour 2021 était supposé ouvrir une nouvelle ère de l’accès précoce, plus simple, plus rapide et plus lisible pour les industriels, au bénéfice des patients. Cette réforme ne répond cependant pas à ces objectifs car elle maintient la régulation financière par les remises, véritable cause des blocages à la sortie des autorisations temporaires d’utilisation (ATU) et frein à l’entrée dans un marché régulé.

A l'aube de cette réforme peu convaincante du dispositif ATU, de nouvelles voies devraient être envisagées pour un accès au marché plus rapide des innovations thérapeutiques, notamment dans les maladies rares et orphelines, sans confusion entre accès précoce et accès conditionnel.

Charlotte Damiano Hogan Lovells Hogan Lovells Paris Jean-Baptiste Chagnon