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La CCI modifie son règlement pour rentrer de plain-pied dans l’ère post-Covid-19

Par Jalal El Ahdab, associé, Bird & Bird, membre de la Cour d’arbitrage internationale de la CCI, Grégory Arnoult, collaborateur, et Salomé Garnier, stagiaire

Toute crise est facteur d’accélération de tendances.

En réponse au contexte sanitaire, mais aussi pour clarifier et aligner ses textes avec la pratique, la Cour internationale d’arbitrage de la CCI a pressé la cadence, après une révision en 2017, en publiant une nouvelle version de son règlement d’arbitrage, en vigueur à compter du 1er janvier 2021 (et, en complément, une mise à jour de la note sur la conduite de la procédure). Les maîtres-mots de cette réforme ? Virtualité, efficacité, transparence, et équité de la procédure. Ce nouveau règlement fait écho à une tendance amorcée par la LCIA londonienne, et annonce une réforme majeure, à venir à Singapour, de celui du SIAC.

Un déroulement tout-virtuel facilité.

C’est la dématérialisation de la procédure qui marque le changement de paradigme : les mémoires et communications électroniques supplantent désormais les notifications « papier » (art. 3.1), avec des dispositions modifiées pour les demande et réponse initiales (art. 4 et 5) et pour l’arbitre d’urgence ; de même, la priorité n’est désormais plus aux audiences classiques, avec un pouvoir arbitral accru pour décider de son principe et de ses modalités, y compris électroniques (art. 26). À noter toutefois que la CCI n’a pas été jusqu’à consacrer la signature électronique de la sentence, comme l’a fait par exemple la LCIA (art. 26.2).

Toujours plus d’efficacité recherchée.

Une des principales nouveautés de ce règlement réside dans les dispositions relatives à la jonction de parties nouvelles et à la consolidation d’instances arbitrales : la première est facilitée, même sur la base de conventions d’arbitrages différentes (art. 10), tandis que l’intervention d’une partie supplémentaire devient désormais possible en cours de procédure et après la constitution du tribunal (art. 7). Idem pour la procédure accélérée (et simplifiée) : le seuil pour y recourir a été rehaussé à 3M USD pour en faciliter l’accès (Appendice vi, art. 1(2)). Toujours dans la confirmation du pouvoir du tribunal, voire de son devoir (v. l’art. 1464 al. 3 CPC), de conduire une procédure de manière efficace, l’arbitre peut désormais décider d’une exclusion, même totale, de nouveaux conseils des parties, afin d’éviter tout conflit d’intérêts découlant d’un changement de représentation.

Une procédure plus transparente et équitable.

Une autre nouveauté, plus controversée, concerne un article (12(9)) permettant à la Cour « dans des circonstances exceptionnelles » de s’écarter de l’accord des parties quant à la constitution du tribunal arbitral, et de nommer tous ses membres, lorsqu’il y aurait « un risque important d’inégalité de traitement et d’injustice susceptible d’affecter la validité de la sentence arbitrale ». Dans le même souci d’équité, lorsque l’arbitrage est fondé sur un traité de protection des investissements, aucun arbitre ne pourra partager une nationalité commune avec l’une des parties (art. 13(6)). Et dans la logique de préserver l’intégrité de la sentence et pour permettre aux arbitres de satisfaire à leur devoir d’indépendance, il est désormais exigé des parties (art. 11(7), qui fait écho au §28 de la Note CCI de 2019 et aux règles IBA sur les conflits d’intérêts (art.7)) qu’elles révèlent l’existence et l’identité de tiers financeurs, lesquels sont amenés à intervenir toujours plus dans l’économie arbitrale (sans aller jusqu’à l’approche adoptée à Hong-Kong où le centre exige la divulgation de tout « accord de financement » (art. 44 du Règlement).

En conclusion, le nouveau corps de règles qui entre en vigueur en 2021, outre qu’il est au diapason d’une tendance et d’une pratique internationale toujours plus exigeante, témoigne aussi de l’extrême réactivité de l’arbitrage face aux besoins de ses utilisateurs, et de la capacité de la CCI à consolider son rôle de leader – avec ses près de 850 nouveaux dossiers en 2019, sans doute plus en 2020, dont 146 selon la procédure accélérée – dans un marché institutionnel toujours plus compétitif.

Bird & Bird Jalal El Ahdab Covid-19