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De certains effets de la crise sanitaire mondiale sur le droit et l’économie du sport en France

Par Jean-Baptiste Guillot, associé et responsable du département Droit du sport, et Virginie Molho, counsel, de Ginestié Magellan Paley-Vincent

L’analyse des premières conséquences de la crise sanitaire mondiale sur le droit et l’industrie du sport en France nous conduira à réfléchir à de nouveaux concepts et à un repositionnement des différents acteurs du monde sportif professionnel et amateur.

Le sport constitue une industrie du spectacle (entertainment) qui ne se conçoit qu’avec la participation de centaines voire de milliers de personnes. Elle est à ce titre certainement l’une des activités économiques qui reprendra parmi les dernières dans le cadre de la stratégie de déconfinement.

Il convient donc de prendre acte du report ou de l’annulation de tous les championnats professionnels de sports collectifs, du tour de France cycliste, de l’open de France de golf, du grand prix de France de formule 1, de formule E et des 24 H du Mans, de toutes les compétitions hippiques, des internationaux de France de tennis, à l’interruption des travaux de construction des nouveaux équipements sportifs en vue de Paris 2024, du report des jeux olympiques de Tokyo qui se dérouleront à l’été 2021, etc. ; par ailleurs, les paris sportifs sont à l’arrêt, par définition.

Pour les sports professionnels, les conséquences sont multiples et dramatiques en l’absence soudaine et immédiate des principaux revenus : annulation, suspension ou réduction des partenariats sponsoring ou marketing et des droits audiovisuels, absence de recettes liées à l’exploitation des stades les jours de match et, également, dans le cas particulier du football, impossibilité de faire fructifier « l’actif joueur « cet été dans l’hypothèse hautement probable du report du mercato. Ainsi, les sports professionnels français n’échapperont pas à une réforme profonde de leur modèle économique.

Les impacts économiques de la crise mondiale sur l’immense majorité des sportifs de haut niveau français pratiquant les disciplines non ou peu professionnelles ou olympiques, pourraient, en revanche, être significativement moindres. En effet, les flux financiers s’articulent davantage autour du bénévolat et des aides des pouvoirs publics français (État et collectivités territoriales) pour cette vaste majorité de sports et de sportifs, amateurs le plus souvent, et, contrairement à certaines idées reçues, ils évoluent d’ores et déjà dans un état de relative précarité qui ne ferait alors que se poursuivre et s’accentuer.

Sur le plan juridique, les effets de la crise sanitaire sans précédent sont multiples.

En ce qui concerne le sport professionnel, et puisqu’il s’agit d’une industrie comme les autres, les dispositifs juridiques mis en place dans les autres secteurs sont appliqués. Par exemple : en droit social, le chômage partiel ou les accords salariaux ; en droit des sociétés, le report des assemblées générales des clubs sportifs professionnels ; en droit du financement, le recours à de nouvelles formes d’emprunt et/ou l’obtention de prêts bancaires en fonction du chiffre d’affaires garantis par la BPI ou l’État ; en droit fiscal, le report des échéances, la mise en place d’allègements fiscaux par le biais du dispositif du mécénat ou des réductions d’impôts en faveur des diffuseurs et détenteurs de droits sur les évènements sportifs ; en droit des contrats, la poursuite des contrats commerciaux en cours et la question de l’éventuelle application de la notion de force majeure dans le cas de l’épidémie de covid-19 ; en droit des assurances, les questions juridiques autour de la prise en charge par les assureurs des risques financiers liés au report ou à l’annulation des évènements sportifs, etc.

Le droit du sport en tant que tel sera certainement lui aussi bouleversé par le volume et la nature de problèmes jamais rencontrés depuis la fin de la seconde guerre mondiale il y a 75 ans, alors qu’aucun acteur juridique impliqué dans l’écosystème sportif n’a connu cette période. À titre d’exemple : la loi sur le sport en préparation et pour laquelle il était difficile de trouver une fenêtre pour son examen au Parlement va être automatiquement reportée d’au moins un an si ce n’est davantage, la lutte anti-dopage va être perturbée, et l’on peut imaginer une crise profonde des droits audiovisuels.

Pour conclure sur une note d’espoir, indiquons que l’e-sport peut constituer durant la crise un relais de croissance notamment pour des fédérations et ligues sportives privées de l’organisation de leurs compétitions, et surtout que, le moment venu, le sport et les grands évènements sportifs, en ce compris, les jeux olympiques de Paris 2024 peuvent constituer un outil de relance et d’accélération de la reprise économique. ■

Ginestié Magellan Paley-Vincent Ginestié Magellan Paley Jean-Baptiste Guillot Coronavirus Covid-19 Virginie Molho