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Contrôles de l’AFA et épidémie de covid-19 : reports sine die ou contrôles à distance ?

Par Astrid Mignon Colombet et Bernard Cazeneuve, Avocats ​​​​​​Associés, Cabinet August Debouzy

Le 19 mars 2020, l’Agence française anticorruption (« AFA ») a publié sur son site une communication présentant les mesures d’adaptation des opérations de contrôle dans le contexte de l’épidémie de covid-19 à la suite de la fermeture des locaux de l’Agence le 16 mars 2020 et du placement en télétravail de ses agents.

Aucun nouveau contrôle pendant la période de confinement

En bonne logique, l’AFA indique qu’aucun nouveau contrôle d’initiative ne sera initié par son directeur pendant la durée du confinement. L’AFA semble en effet avoir pris la pleine mesure des contraintes économiques résultant de l’épidémie qui pèsent fortement sur les entreprises. C’est également la raison pour laquelle elle précise qu’à l’issue de la période de confinement, les modalités des nouveaux contrôles feront l’objet d’une concertation étroite avec les entités contrôlées pour tenir compte, au cas par cas, des difficultés qui se présentent à elles en raison de la grave crise actuelle. A titre d’exemple, l’AFA pourrait être amenée à proroger le très bref délai de 15 jours laissé à l’entreprise pour envoyer ses 160 réponses au questionnaire joint à l’avis de contrôle.

Si le report des contrôles d’initiative pour cause de confinement n’emporte pas de conséquences particulières pour les entreprises, il peut en être autrement pour les contrôles d’exécution des conventions judiciaires d’intérêt public (dit aussi monitoring post-CJIP). Ceux-ci s’exercent en effet pour une durée maximale de trois ans en application de l’article 41-1-2 du code de procédure pénale. Or les opérations de lancement de ces contrôles à venir sont reportées sine die et sont reprogrammés à l’issue du confinement.

Il faut espérer que si cette période était amenée à se prolonger dans le temps, la réduction du temps de contrôle de l’AFA qui en résulterait ne serait pas de nature à fragiliser les conditions d’évaluation de la bonne exécution du programme par l’entreprise signataire de la CJIP. En effet, cette évaluation doit faire l’objet d’un rapport final adressé au parquet signataire de la convention afin de lui permettre d’apprécier l’exécution par la personne morale des obligations prévues à la CJIP et in fine d’éteindre l’action publique.

Adaptation des contrôles en cours aux mesures de confinement

L’AFA aborde également les modalités selon lesquelles les contrôles en cours qu’ils soient d’initiative ou d’exécution pourraient s’adapter.

Naturellement, les opérations de contrôle sur place de l’AFA ne sont pas compatibles avec les mesures de sécurité sanitaire ordonnées par le Gouvernement. L’AFA ne se rendra donc plus dans les locaux de l’entreprise contrôlée pendant la période de confinement ; de la même manière, elle n’adressera plus d’avis de contrôle sur place y compris ceux qui ont été préparés avec les entreprises contrôlées avant le 16 mars 2020 ; les entretiens de fin de contrôle programmés dans le cadre d’un contrôle d’initiative sont reportés sine die.

En revanche, l’Agence indique que les opérations de contrôle sur pièces, par échanges de documents ou d’informations, pourront se poursuivre à condition que l’entreprise contrôlée donne son accord explicite. Les entreprises sous monitoring post-CJIP pourraient avoir intérêt à poursuivre dans la mesure du possible les opérations de contrôle à distance, l’exécution des obligations prévues par la CJIP permettant d’éteindre l’action publique.

Toutefois, l’AFA invite les entreprises sous monitoring post-CJIP à aviser le parquet signataire de la CJIP lorsqu’elles constatent que les circonstances actuelles sont susceptibles d’affecter leurs capacités à exécuter dans les délais fixés par la CJIP leur programme de mise en conformité. Cette possibilité est en réalité d’ores et déjà prévue en son principe par l’article R15-33-60-7 alinéa 3 du code de procédure pénale qui permet aux personnes morales d’informer le procureur de la République de toute difficulté qu’elles rencontrent dans la mise en œuvre du programme. Le communiqué prévoit en outre que l’AFA pourra, le cas échéant, avec l’accord du parquet et dans un calendrier arrêté par ce dernier, poursuivre les opérations de contrôle au-delà de la date d’expiration de la convention dans le silence du code de procédure pénale sur ce point.

En somme, les contrôles de l’AFA ont vocation à se poursuivre mais dans un cadre plus restreint pendant la période de confinement. Il semble que l’Agence souhaite adapter de manière pragmatique ses contrôles en cours au contexte épidémique actuel. Ces contrôles seront adaptés aux contraintes de l’entreprise contrôlée et à ses capacités à échanger de manière sécurisée des informations à distance.

Le 25 mars 2020
Astrid Mignon Colombet et Bernard Cazeneuve Avocats
Associés Cabinet August Debouzy

Astrid Mignon Colombet Bernard Cazeneuve August Debouzy Covid-19 Coronavirus