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Arbitrage LCIA 3.0 – L’institution londonienne se positionne à la pointe des nouvelles pratiques

Par Flore Poloni, associée et Thibaud Roujou de Boubée, avocat, cabinet Signature Litigation

Dans un marché très concurrentiel, les institutions à travers le monde ne cessent de faire montre de créativité afin de convaincre les utilisateurs de recourir à leurs services. La London Court of International Arbitration (« LCIA ») qui n’avait pas modifié son règlement depuis 2014 s’est positionnée cet été choisissant de mettre en avant un outil caractéristique du juge britannique : le rejet anticipé des prétentions tout en encourageant l’efficacité, la simplification et la digitalisation et en encadrant plus fermement le rôle du secrétaire du tribunal arbitral.

Rejet anticipé des prétentions

Le nouveau règlement d’arbitrage de la LCIA (« Règlement LCIA ») permet au tribunal arbitral (le « Tribunal ») de procéder au rejet anticipé des prétentions manifestement infondées (art. 22.1, viii). Ce mécanisme très usité par le juge judiciaire britannique permet à la fois le désengorgement des tribunaux et la dissuasion d’engager des procédures abusives. Une évolution répondant aux attentes des institutions bancaires et financières (qui représentent 32 % des utilisateurs de la LCIA selon ses dernières statistiques1) qui préféraient encore souvent se tourner vers le juge judiciaire pour cette raison.

Échanges limités et délais resserrés

La LCIA – consciente des dérives de certaines procédures – encourage les parties à faire plus court, en donnant au Tribunal la possibilité de limiter la longueur des écritures et attestations de témoins (art. 14.6 (i) et (ii)) et de réduire la durée des audiences, en définissant notamment les points qui y seront abordés (art. 19.2).

Par ailleurs, davantage d’impulsion est donnée au démarrage de la procédure en rapportant à 28 jours le délai imparti à la Cour pour désigner les membres du Tribunal en l’absence de réponse du défendeur (art. 5.6) et en imposant aux parties de prendre contact au plus tard 21 jours après la formation du Tribunal (art. 14.3). Sans surprise, le Règlement LCIA insiste également sur l’objectif de trois mois imposé aux arbitres pour rendre une sentence, à compter des dernières observations des parties (art. 15. 10).

Simplification de la jonction de procédures

Les arbitrages multipartites sont facilités. Un demandeur pourra soumettre une seule demande pour lancer plusieurs arbitrages contre un ou plusieurs défendeur(s), sur le fondement d’une ou plusieurs convention(s) d’arbitrage (art. 1.2 et 2.2). Le Tribunal peut, par ailleurs, ordonner la jonction ou la conduite simultanée d’arbitrages découlant de la même transaction ou série de transactions, alors que cette possibilité était précédemment subordonnée à l’identité des parties au litige (art. 22A).

Dématérialisation de la procédure

Dans le contexte de crise sanitaire que nous connaissons et pour faire écho au Green Pledge2, faveur est donnée aux procédures dématérialisées imposant aux parties de communiquer par voie électronique pour tous leurs échanges, sauf autorisation expresse et préalable du Registrar de la LCIA (art. 4.1) ou du Tribunal s’il est constitué (art. 4.2).

Prenant acte de la nécessité du maintien des audiences malgré la pandémie, qui constitue un avantage certain de l’arbitrage aujourd’hui, le Règlement LCIA prévoit que les audiences peuvent se dérouler en personne ou à distance (art. 19.2). Il confère en outre au Tribunal le pouvoir d’utiliser la technologie pour favoriser une conduite efficace et rapide de l’arbitrage (art. 14.6 (iii)). Dans le même sens, le Règlement LCIA prévoit désormais que, sauf indication contraire, toute sentence peut être signée par voie électronique (art. 26.2).

Encadrement plus strict du rôle du Secrétaire du Tribunal

Malgré les directives fournies par la Note aux Arbitres sur le Règlement de 20143, qui encourageaient une discussion entre les parties et le Tribunal sur ce thème, le nouveau Règlement de la LCIA franchit un cap en encadrant le rôle du secrétaire du Tribunal (art. 14A). Il est précisé que ce dernier est dénué de tout pouvoir de décision, qu’il doit se conformer à une obligation de révélation comparable à celle des arbitres et sa désignation est soumise à l’approbation des parties.

Pour ceux qui souhaiteraient approfondir, la LCIA diffuse actuellement une série de podcasts présentant son nouveau Règlement – www.lcia.org/podcast-lcia-rules-update-2020.aspx.

Flore Poloni Thibaud Roujou de Boubee Signature Litigation LCIA Young International Arbitration Group LCIA