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Projet de loi pour l'activité : les divergences entre le CNB et le barreau de Paris se creusent

Par Laurence Garnerie
Le président du Conseil national des barreaux n'était "pas satisfait du tout" le 21 novembre à la sortie de son rendez-vous à Matignon. Sans surprise, Jean-Marie Burguburu n'a pas obtenu du cabinet du Premier ministre le retrait du volet "professions juridiques" du projet de loi pour la croissance et l'activité, qu'il était venu solliciter afin qu'il soit confié à la Chancellerie.

Bien décidée à ne pas se laisser faire, l'institution représentative des avocats, réunie en assemblée générale l'après-midi même, a donc élaboré un plan d'actions. Son président a d'abord appelé toutes les professions juridiques à un rassemblement national le 10 décembre prochain, jour de la présentation du texte en conseil des ministres. Il a ensuite annoncé que, pour intervenir auprès des parlementaires, l'institution allait diffuser un kit de communication aux barreaux - dont 154 ont déjà pris part au mouvement de protestation initié la semaine dernière par la Conférence des bâtonniers. Enfin, il a déclaré "qu'en ultime recours", le CNB "pourrait envisager de désactiver le RPVA pour paralyser les juridictions".

10 propositions pour la croissance
Parallèlement à ces annonces et pour montrer qu'il était prêt malgré tout à travailler avec le gouvernement, le CNB a présenté 10 propositions pour la croissance issues de son Livre blanc sur la Justice du 21e siècle de février 2014. Ces propositions reposent en grande partie sur le développement numérique de l'activité des avocats (accès aux bases de données civile et pénale Portalis et Cassiopée, attribution de date certaine et force probante à l'acte numérique d'avocat, déploiement des actes introductifs d'instance et dépôt des plaintes en ligne par le réseau numérique des avocats, etc.).

Vers une grande profession du droit
Fidèle à sa ligne, le barreau de Paris, de son côté, n'a pas voulu partager cette opposition au projet porté par Emmanuel Macron. Au moment même où le président du CNB était reçu par le Premier ministre, le bâtonnier de Paris envoyait d'ailleurs un communiqué rappelant que le barreau parisien avait toujours été favorable à l'avocat salarié en entreprise, à condition "qu’il bénéficie de garanties d’indépendance" et qu' "il ne puisse pas plaider". Une dernière condition que Pierre-Olivier Sur a affirmé avoir fait rajouter dans le texte, tout comme l'interdiction de développer une clientèle personnelle. À noter toutefois que la dernière version du projet de loi prévoyant de légiférer par ordonnance sur ce point, ces grands principes sont pour l'heure seulement mentionnés dans l'exposé des motifs. "Le bâtonnier et le vice-bâtonnier veulent accompagner l’évolution de leur barreau vers une grande profession du droit, réglementée, soumise à la formation, à la déontologie, à la discipline, aux systèmes de prévoyance et de retraite des avocats", a expliqué Pierre-Olivier Sur pour motiver sa position, avant de brandir la menace que les juristes d'entreprise évoluent sans la profession d'avocat : "à défaut, le risque serait de voir apparaître une nouvelle profession déréglementée exclusive et allant au-delà du seul périmètre de l’entreprise, donc concurrente de celle d’avocat, dont les performances financières relèveraient d’un marché sans limite et sans contrôle. L’avocat judiciaire serait alors relégué vers une profession dite de barristers, seulement dédiée au contentieux et en grande partie dépendante de l’aide juridictionnelle, dont le chiffre d’affaires serait faible et l’effectif réduit." Et de conclure : "Tel est le message porté par le barreau de Paris aux pouvoirs publics, dans le cadre des arbitrages en voie d’être mis en œuvre entre Bercy et la Chancellerie, sous le contrôle du Conseil d’État."

L.G.
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