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Les juristes d’entreprise pourraient bientôt bénéficier du legal privilege

Par Ondine Delaunay
Paru dans La Lettre des Juristes d’Affaires, N°1330/1331 du 18/12/2017

Le Cercle Montesquieu, l’AFJE, Legal Suite et l’École de droit et management de Paris II ont dévoilé cette semaine le baromètre des juristes d’entreprises 2017. Cette deuxième enquête, après celle menée en 2010, a été menée par l’Institut Ipsos auprès de 900 entreprises de plus de 100 salariés. L’objectif était de compter les professionnels du droit exerçant en entreprise et d’analyser l’évolution de leur métier. Durant la présentation des résultats, les langues se sont déliées, permettant d’espérer l’instauration prochaine du legal privilege en France.

Sans surprise, la deuxième édition de ce baromètre a démontré l’augmentation du nombre de juristes en entreprise. Un nombre évalué cette année par Ipsos à 17 000, contre 15 870 en 2010. « Cette augmentation de 7% est à mettre en corrélation avec les données sur l’emploi en France qui a progressé de 2,7 % durant la même période », constate Étienne Mercier, directeur du pôle opinion et santé d’Ipsos. Parmi les entreprises interrogées, 17% ont déclaré avoir un ou plusieurs juristes dans leur équipe (+ 2% par rapport à 2010). Au sein des groupes de 5 000 salariés et plus, ils sont 97% à affirmer avoir au moins un juriste dans leurs effectifs, la moyenne étant de 38 par entreprise.

Une profession en mutation

Sans surprise, non plus, l’enquête démontre la mutation de la profession de juriste en entreprise. D’abord par son niveau de responsabilité puisque le département est rattaché dans 48% des cas à la direction générale et à 11% au secrétariat général. Ils ne sont que 31% à être rattachés à la direction administrative et/ou financière. Les domaines d’intervention du juriste sont variés : contrats (77%), généraliste (44%), droit des sociétés/corporate (42%), droit de la propriété intellectuelle et industrielle (26%)… « Cette diversité d’intervention passe par une formation complète des juristes, note Marc Mossé, vice-président de l’AFJE. La question de la formation est au cœur des attentes de toutes les professions du droit. C’est d’ailleurs ce qui a été relevé durant le Grenelle du droit. Elle ne porte pas seulement sur des sujets d’expertise juridique, mais également sur des compétences complémentaires appelées les soft skills ». Et Nicolas Guérin, président du Cercle Montesquieu, d’ajouter : « L’enquête de cette année démontre la montée en puissance du recours à l’e-learning (+ 13% par rapport à 2010) qui traduit le besoin de formation continue indispensable aux juristes d’entreprise ». D’autant plus que 88% des sondés s’attendent à un impact important et durable de la digitalisation sur leur métier. Pourtant, « seuls 30 % expriment leurs besoins d’outils tels que des logiciels ou applications de gestion juridique, ce qui démontre que le métier n’en est qu’aux prémices de sa transformation digitale. », souligne Patrick Deleau, Président-Fondateur de Legal Suite.

Les freins à la profession demeurent... pour l’instant

Les éternels freins que porte la profession de juristes demeurent. Au premier rang desquels bien sûr le legal privilege. 73% des juristes interrogés considèrent l’absence de confidentialité de leurs avis comme une atteinte à la compétitivité de leur entreprise et comme un poids pour l’attractivité de la France comme place de droit. Mais les deux représentants de la profession présents à la restitution de l’enquête se veulent rassurants. « Nous avons bon espoir d’y parvenir enfin ! annonce Nicolas Guérin. La position des barreaux et notamment celui de Paris, nous laisse penser que nous ne sommes plus qu’à un pas d’obtenir le legal privilege ». Le conseil de l’Ordre du barreau de Paris a en effet reconnu, en février dernier, qu’un avocat français peut être avocat en entreprise « dès lors qu’il exerce dans un État qui admet qu’un avocat puisse être salarié en entreprise ».

L’optimisme est partagé par Marc Mossé : « Le candidat Macron n’avait montré aucune hostilité sur ce sujet ». Rappelons en effet que le projet de loi Macron comportait un article qui reconnaissait pour la première fois un statut d’avocat en entreprise. Mais sous la pression des lobbies et de guerres intestines aux ministères, l’article avait finalement été supprimé. Et le vice président de l’AFJE de poursuivre: « La question n’est pas de savoir si nous allons l’obtenir, mais plutôt à quel moment. Nous pensons y parvenir durant cette législature ». Les choses sont dites. Et pour que les deux associations manifestent un tel entrain, on en conclut que des discussions doivent être actuellement menées « hors caméras ». C’est en tous cas le vœu formé par la rédaction de la LJA pour cette fin d’année.

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