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L'avocat en entreprise de retour au Sénat

Par Laurence Garnerie
 

Le 11 mars dernier, la commission des Lois du Sénat a débuté ses auditions dans le cadre de sa mission d'information sur "Le droit des entreprises : enjeux d'attractivité internationale, enjeux de souveraineté" .

À cette occasion, la question du statut de l'avocat en entreprise est revenue au cœur du débat. Pour rappel, la création d'un tel statut, initialement prévue par le projet de loi Macron, a été évincée de ce texte lors de son examen par la commission spéciale de l'Assemblée nationale, à la suite d'une forte opposition de la part d'un certain nombre d'avocats. Opposition qui a récemment créé de vives tensions entre les professions d'avocat et de juriste d'entreprise qui ont toujours soutenu le projet d'avocat en entreprise (lire notre article du 13 fév. 2015 : "Rien ne va plus entre les juristes d'entreprise et les avocats").

Alors qu'ils auditionnaient, entre autres, plusieurs membres du Conseil national des barreaux (CNB) et de l'Association française des juristes d'entreprise (AFJE), les sénateurs ont souhaité savoir en quoi ce statut pourrait renforcer l'attractivité et la compétitivité des entreprises françaises, et ont interrogé les deux institutions sur leur position.

Le CNB en pleine réflexion
Malgré le rejet dont le projet de la loi Croissance a fait l'objet au sein du CNB, William Feugère, membre du bureau et ancien président de la commission Droit et entreprise de l'institution représentative des avocats, a assuré que le sujet n'avait pas été abandonné. "Nous sommes en train de réfléchir pour nous assurer que s'il y a un avocat en entreprise, cela ne provoque pas la fragilisation de l'exercice libéral de la profession et que cela soit vraiment efficace pour la protection du conseil en droit de l'entreprise", a-t-il assuré. Et d'expliquer que lorsque le texte de Bercy avait été présenté, "les avocats n'étaient pas prêts" . Une position à laquelle Stéphanie Fougou, présidente de l'AFJE,  a rétorqué que le débat était sur la table depuis 25 ans et avait déjà fait l'objet de 11 rapports. "Je ne crois malheureusement pas à une évolution rapide après les quelques mois que l'on vient de vivre" , a-t-elle déclaré.

La confidentialité, "différence absolue"
Quant à la question de l'efficacité d'un tel statut pour l'entreprise, Stéphanie Fougou a estimé que ce n'était pas l'avocat en entreprise qui était efficace, mais "la notion de confidentialité". "Cette confidentialité sur les avis, les correspondances, les consultations sont d'une efficacité pragmatique et immédiate pour l'entreprise. Cela pourrait être une première étape pour travailler ensemble sur une grande profession unie" , a-t-elle précisé. "C'est cette confidentialité qui est la différence absolue avec tous les autres pays qui nous entourent" , a-t-elle souligné, après qu'Hervé Delannoy, ancien président de l'AFJE, a rappelé que l'absence de legal privilege des juristes d'entreprise français incitait les grandes entreprises à recruter et promouvoir des directeurs juridiques étrangers. "Dans différentes procédures, comme celle de discovery, nous ne sommes pas en mesure de protéger les entreprises des documents qui pourraient être saisis" , a reconnu Stéphanie Fougou. "S'agissant de la compétitivité, il y a une urgence qui passe par la confidentialité et la protection des avis, a renchérit Marc Mossé, vice-président de l'AFJE. Les entreprises ne pourront pas attendre 25 ans de plus. Et il serait vraiment très sage que cela soit voté dans le texte actuel" .

La mission d'information, qui a nommé deux rapporteurs, Michel Delebarre et Christophe-André Frassa, devrait rendre son rapport au second semestre 2015.

L.G.

Participez également au débat : "Quelle définition pour le legal privilege ?" en cliquant ici.
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