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L'AFJE et le barreau de Paris ne sont plus sur la même longueur d'ondes

Par Laurence Garnerie
Le 25 mars dernier, Stéphanie Fougou, présidente de l'Association française des juristes d'entreprise (AFJE), et Laurent Martinet, vice-bâtonnier de Paris et candidat au dauphinat, ont débattu sur le thème "Quel avenir pour le juriste d'affaires ?" , devant des étudiants de l'université Paris II (Panthéon-Assas).

À cette occasion, tous deux ont exposé leur point de vue sur l'évolution du statut de juriste d'entreprise après le retrait de la disposition sur l’avocat salarié en entreprise du projet de loi Macron.

Avocat en entreprise versus confidentialité
Si pour Laurent Martinet, cette réforme mérite toujours réflexion, notamment en raison des départs de la moitié des jeunes avocats vers les entreprises au cours de leurs cinq premières années d’exercice, Stéphanie Fougou a, elle, changé son fusil d’épaule.

Là où le premier a ainsi défendu la mise en place d’une grande profession du droit après un nécessaire travail de pédagogie auprès des avocats, majoritairement hostiles à ce projet, la seconde a estimé, pour sa part, qu’après 25 ans de débats sur ce thème, il était temps de passer à une étape plus pragmatique pour les entreprises, à savoir accorder la confidentialité de leurs avis aux juristes. « Pendant les quatre derniers mois, les avocats ont dit aux juristes : vous n’entrerez pas dans cette profession, a-t-elle déclaré. Un grand nombre d’avocats ne sont pas prêts pour ça. Mais les entreprises ne peuvent plus attendre » . Et de rappeler que de nombreuses sociétés françaises se voyaient contraintes aujourd’hui de recruter des juristes étrangers, voire de délocaliser leur direction juridique, pour ne pas que les consultations juridiques internes saisies et utilisées contre elles par les autorités d’enquête.

Intérêts corporatistes
Aux arguments du vice-bâtonnier selon lequel le secret professionnel, qui constitue l’ADN de l’avocat, était actuellement trop attaqué de toute part pour souffrir le moindre démembrement, la présidente de l’AFJE a rétorqué : « nous n’avons pas pour objectif d’entamer le moindre principe. Ce système existe en Belgique et un arrêt de la Cour de cassation belge du 22 janvier 2015 vient d’ailleurs de reconfirmer le principe de la confidentialité des juristes d’entreprise au nom de l’intérêt général et de l’intérêt commun » . Et de prévenir le vice-bâtonnier : « [en soutenant le projet d’avocat en entreprise], le barreau de Paris a été avant-gardiste. Aujourd’hui, il ne l’est plus en maintenant cette position pour défendre des intérêts corporatistes. (…) Je veux que les choses avancent. S’il faut passer en force, je passerai en force » .

Pour mémoire, l'AFJE a annoncé récemment avoir reçu le soutien de plus de 100 directions générales d'entreprise en faveur de la reconnaissance de la confidentialité de avis des juristes d'entreprise (lire le billet : Le poids de l'entreprise, 20 mars 2015).

L.G.

Lire également sur le sujet :

L'interview de Laurent Martinet, 19 mars 2015 ;
L'avocat en entreprise de retour au Sénat, 13 mars 2015 ;
L'immobilisme est la pire des solutions pour la France, tribune de Stéphanie Fougou, 2 févr. 2015 (LJA 1194 - Abonnés)
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