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"Débattons !" par William Feugère, président de l'ACE

Par LJA - LETTRE DES JURISTES D'AFFAIRES
William Feugère


Le gouvernement veut réformer les professions réglementées. Certaines (huissiers, notaires,…) se sentent menacées, évoquent leur disparition à terme. Mais qu’en est-il des avocats ? Trois réformes sont proposées, qui sont sans doute moins des révolutions que de potentielles opportunités : la suppression de la territorialité de la postulation, l’ouverture jusqu’à 49 % du capital des cabinets d’avocats et la faculté d’exercer comme salarié d’une entreprise.

La suppression de la territorialité paraît naturelle à l’heure de la dématérialisation des procédures. Nul ne souhaiterait que cela conduise à la désertification des territoires et la perte de la justice de proximité. Mais aucune étude n’a été faite qui soutiendrait cette thèse pessimiste. D’ailleurs, même dans les procédures sans postulation, devant les tribunaux de commerce par exemple, il est usuel de prendre un correspondant local pour éviter au client le coût excessif de déplacements pour de simples audiences de procédure. Surtout, ne peut-on négocier que cette éventuelle suppression de la territorialité de la postulation puisse s’accompagner d’une généralisation des procédures écrites, y compris devant les tribunaux de commerce ? L’enjeu est la sécurité des justiciables, qui trop souvent se présentent seuls devant les juges.

L’ouverture des cabinets d’avocats est inacceptable s’il s’agit d’être inféodé à une banque ou une chaîne de supermarchés. D’ailleurs, le Conseil national des barreaux a déjà rejeté clairement les alternative business structures. Mais l’ouverture encadrée, limitée, peut à l’inverse être une chance pour la profession. Un jeune avocat qui s’installe et a besoin de fonds pourrait ouvrir une partie minoritaire de son capital aux membres de sa famille. Un cabinet pourra se structurer, se développer, s’exporter grâce à l’apport de capitaux extérieurs. Il serait même envisageable de créer un fonds d’investissement, contrôlé par des avocats, pourquoi pas sous l’égide du CNB, pour investir dans des cabinets d’avocats.

L’avocat en entreprise ? Cela fait 50 ans que la profession tergiverse sur ce sujet. Les jeunes avocats attendent cette réforme, qui leur ouvrirait une carrière diversifiée, évolutive, passionnante. Les cabinets seraient plus proches que jamais de leurs clients. Et les entreprises seraient plus sécurisées, la place du droit y serait renforcée. Des solutions existent, simples et efficaces, pour garantir notre indépendance, notre secret, et l’activité des avocats externes. Pourtant, par frilosité, le débat n’a cessé d’être reporté au Conseil national des barreaux.

Aucune proposition ne doit être rejetée a priori. Notre déontologie, aussi ancienne soit-elle, est d’une exceptionnelle modernité. Elle permet bien plus d’évolutions qu’on ne le pense. Acceptons de débattre. La réforme est parfois bénéfique, la sclérose est toujours fatale.

 

William Feugère, président de l’Association des Avocats conseils d’entreprises (ACE)

 

Cette tribune a été publiée dans la LJA 1177.
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