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Juridique & transformation numérique, le point de vue de Nicolas Guérin

Par Guide du numérique, DLA Piper

« Le digital permet de réorienter les juristes vers des activités à plus forte valeur ajoutée. » - Nicolas Guérin, secrétaire général d’Orange et ancien président du Cercle Montesquieu.

Suite à la première édition du Guide du Numérique 1 publié en 2017, le cabinet DLA Piper prolonge la réflexion sur l’évolution de la transformation digitale avec la publication de ce deuxième ouvrage. Cet article en est extrait.

Comment le digital est-il concrètement utilisé au sein de la direction juridique ?

Chez Orange, un juriste a été chargé de regarder les 140 legaltechs existantes. Deux d’entre elles ont été choisies et nous les avons expérimentées sur des dossiers contentieux passés. Le traitement par l’une des legatech a abouti dans 80 % des cas au même résultat, avec un gain en termes de temps, de coût et de simplicité. Nous avons également développé des outils en interne, notamment un chatbot, ainsi qu’un outil qui permet de générer des non-disclosure agreements (NDA), sur lesquels nos juristes passaient beaucoup de temps. Ils sont réorientés vers des activités à plus forte valeur ajoutée. L’objectif, à terme est d’industrialiser ces outils, afin d’améliorer la productivité. Pas question pour autant de supprimer des postes de juristes. Au contraire, ces avancées technologiques nécessiteront peut-être de créer une direction juridique des opérations.

Avez-vous identifié des menaces liées à cette transformation digitale ?

La menace pour moi est double. D’abord, le risque de voir se développer, de manière totalement régulée et non contrôlée, les outils développés aux États-Unis et subventionnés par les GAFAM. En France et en Europe, les budgets pour développer ces outils sont sous-dimensionnés et il existe même une forme de résistance au digital. Le risque porte aussi sur l’externalisation des directions juridiques. Il est désormais possible d’exercer le droit n’importe où vers n’importe quel autre pays, avec des outils américains. L’enjeu est donc celui de la compétitivité. Il faut que les juristes cessent de se retrancher derrière des monopoles ou des silos. Ils doivent proposer des solutions digitales efficaces et constituer des fonds pour subventionner l’offre européenne ou française de legaltechs. Il faut ancrer le droit et ses outils en France. La seconde menace est celle de la division des professions du droit. Il ne faut pas croire que le digital permettra aux directions juridiques de se passer des avocats ou, à l’inverse aux entreprises de se passer de direction juridique en recourant seulement à l’avocat. C’est une utopie. Il ne faut pas que le digital soit un outil de guerre au sein des professions du droit.

Comment la direction accompagne-t-elle cette transformation digitale ?

Chez Orange, le fonctionnement est un peu particulier. Il existe un important comité de direction qui aide la direction juridique au quotidien sur des projets transverses. Des programmes ont été élaborés et des budgets dégagés.

Plus généralement, les entreprises françaises doivent financer les legaltech, conclure des partenariats avec elles, éventuellement les racheter. La BPI et les cabinets d’avocats doivent aussi financer le développement des legaltechs. Même si les entreprises ne les financent pas, ou ne les rachètent pas, elles doivent les utiliser, car c’est toujours valorisant pour une legaltech d’avoir pour client et pour partenaire une grande entreprise. Les partenariats aussi permettent aux legaltechs de lever des fonds.

numérique Directeur juridique