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Exercer en groupe : un nouveau guide des structures d’exercice

Par Anne Portman

L’assemblée générale du Conseil national des barreaux (CNB) a adopté, le 12 septembre 2025, un nouveau vademecum des structures d’exercice, rédigé par la commission du statut professionnel. La LJA a interrogé sa présidente, Audrey Chemouli, co-fondatrice du cabinet Chemouli Professions Libérales, spécialisé dans le conseil des professionnels libéraux de tous les secteurs.

Pourquoi avoir rédigé ce guide ?

La commission a voulu mettre à jour le vademecum à la suite de la parution de l’ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023, entrée en vigueur le 1er septembre 2024, qui donnait aux structures concernées un délai de mise en conformité des statuts d’un an. Cette ordonnance, très claire et rédigée comme un contrat, appliquait les dispositions de la loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante qu’elle clarifiait. Toutefois, elle ne reprenait pas toutes les dispositions de la loi et il a semblé utile de reprendre le guide des structures d’exercice pour simplifier la tâche aux avocats. La commission en a profité pour mettre à jour d’autre pans du guide, qui ne concernaient pas les sociétés d’exercice, mais plutôt d’autres formes de regroupement comme les SCM et les AARPI, afin de mettre à la disposition des confrères un guide complet et à jour.Il sera d’ailleurs complété de modèles de statuts, qui sont en cours de rédaction.

Quelle est la physionomie des structures d’exercice de la profession d’avocat à l’heure actuelle ? Les SPFPL ont-elles du succès ?

Il existe désormais un certain nombre de SPFPL (sociétés de participation financière des professions libérales), et les choses sont désormais clarifiées en ce qui concerne ces structures holding, après une incertitude qui faisait suite à des arrêts qui avaient remis en cause le versement de dividendes entre SEL et SPFPL et le fait qu’ils soient soumis à cotisations sociales. 

La tendance est au regroupement des professionnels, est-ce que l’exercice individuel est mort ?

Non, l’exercice individuel n’est pas mort. Nous avons même constaté un regain pour cette forme d’exercice, depuis les dispositions relatives au patrimoine professionnel qui figurent dans la loi de 2022, et ce d’autant plus que désormais, il n’y a pas de différence entre le traitement apparentes des BNC classiques et des BNC en SEL. Les professionnels libéraux estiment donc parfois inutile de créer une société, qui alourdirait leurs obligations administratives.

Qu’en est-il de l’exercice pluriprofessionnel ?

La situation est plus compliquée s’agissant de l’exercice pluriprofessionnel. Il faut dire également que les autres professionnels du droit avec lesquels les avocats peuvent se regrouper ont connu des difficultés. L’activité des notaires a été en baisse, la naissance de la nouvelle profession de commissaire de justice, issue de la fusion des huissiers et des commissaires-priseurs a été difficile. J’ajoute aussi que, concernant ces professionnels, le fonds libéral, la clientèle, a une valeur, alors que celle de l’avocat est plus difficile à valoriser.  C’est surtout une question de culture, je pense. Il y a eu des créations de sociétés pluriprofessionnelles d’avocats avec des experts-comptables, et qui fonctionnent assez bien, cependant.

Les professionnels libéraux veulent-ils exercer en groupe ?

Ce que j’observe, et cela vaut pour toutes les professions libérales, pas seulement pour le secteur juridique, c’est que les professionnels libéraux sont un peu pris dans une tourmente, avec les bouleversements qui les touchent : l’apparition de l’IA, la concurrence exacerbée, etc. Il y a bien un phénomène de concentration, mais les professionnels n’ont pas encore tous pris conscience de quelque chose qui me semble essentiel : l’importance de l’entreprise libérale. Beaucoup travaillent encore en silo.

À cet égard, on constate le succès de l’AARPI, une structure légère, avec une implication minimale qui peuvent être chapeautées par des SARL. Si les pouvoirs publics voulaient montrer la voie vers une forme d’exercice collectif qui soit une véritable entreprise libérale, cela permettrait d’impulser une dynamique plutôt que d’alourdir la fiscalité des professionnels libéraux, stratégie qui est malheureusement à l’œuvre pour l’instant.