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Déconfinement : tous invités au bal masqué, ohé, ohé

Par Eric Gardner de Beville, recruteur et consultant international, membre du Cercle Montesquieu

A quoi ressemblera la France à partir du 11 mai ? En écoutant la Compagnie Créole, est-ce que ce sera Dracula, Casanova ? Cendrillon, Napoléon ? Il ne faudrait pas que chacun dise « Aujourd'hui, je fais ce qui me plaît (me plaît) ». Il faudra au contraire s’unir mais porter son masque, se rassembler mais respecter les gestes barrière, et travailler avec pour objectif commun de reconstruire la France.

Et pourtant, la France ressemblera à un bal masqué car nous porterons tous nos masques anti-Covid, non pas sur les yeux comme au carnaval de Venise ou au bal masqué de Pointe-à-Pitre, mais sur le nez et la bouche. Il s’agira moins de se cacher des autres que de protéger autrui.

Faut-il importer des milliards de masques ou apprendre aux Français à fabriquer le leur ?

Tandis que la France vit au ralenti avec 5,5 millions de chômeurs et chercheurs d’emploi, plus 11 millions de personnes au chômage partiel dans le privé, c’est-à-dire un travailleur actif sur deux en arrêt, et 70% environ des travailleurs actifs en télétravail, nous vivons aujourd’hui une expérience totalement inédite de remise en cause des paradigmes du travail.

Dans ce contexte insolite et en réaction aux critiques multiples et multipliées -vraies ou fausses- contre le gouvernement pour inaction et réaction tardive face au Covid-19, notamment en ce qui concerne les masques de protection, on assiste aujourd’hui à une ruée vers l’importation et la fabrication locale de masques anti-Covid.

Quel sera, toutefois, le coût exorbitant de cette importation massive de masques, en majorité provenant de Chine, dont certaines centaines de milliers sont déjà arrivés non-conformes aux spécifications sanitaires ? Combien de milliards d’euros devra-t-on dépenser en plus des centaines de milliards d’euros que le gouvernement a déjà promis pour la sauvegarde de l’économie et de l’emploi en France ? Ne serait-il pas plus judicieux, utile et économe de donner des consignes simples et claires pour que chacun puisse fabriquer son propre masque ? Il est souvent plus utile d’apprendre à quelqu’un à pêcher que de lui donner un poisson…

Par ailleurs, n’oublions pas que nous ne vivons pas dans un monde où le gouvernement est une tierce personne, une sorte de Matrix salvatrice et sauveteuse. Reprenons le mot de Louis XIV qui dit « L’Etat c’est moi ! » car c’est de ça qu’il s’agit. L’Etat c’est nous, les Français « de monoprix », simples et travailleurs, des campagnes et des villes, nous les contribuables. Lorsque le Président de la République et les ministres annoncent des milliards d’euros pour « sauver » Air France et Renault, d’autres milliards pour « remercier » les médecins et infirmiers et la grande distribution, encore des milliards pour des fonds destinés à aider tel ou tel secteur de l’économie, c’est en fait le contribuable français qui va payer, celui qui est aujourd’hui au chômage technique ou définitif, ainsi que la ou les générations à venir.

Port du masque, c’est le minimum en cette période de crise

Tandis que Zorro portait un masque pour cacher ses yeux, nous porterons le nôtre pour dissimuler la bouche et le nez. Zorro protégeait son identité, nous protégerons la santé d’autrui.

Le masque n’est toutefois pas suffisant car le déconfinement ne sera pas qu’un bal masqué. Les Français ont été exemplaires et responsables pendant tout le confinement depuis le 17 mars 2020. Le confinement est effectivement l’arme fatale contre le Covid-19. Toutefois, nous ne pouvons pas vivre confinés tout le temps. Non seulement devons-nous sortir pour satisfaire notre besoin de partage, communication et échange, mais aussi pour relancer la machine sociale, économique et financière du pays.

Nous devrons donc continuer à respecter certaines mesures de confinement, télétravail, distanciation sociale, lavage des mains et utilisation de gel hydro-alcoholique, et autres barrières sociales, scolaires et professionnelles. Cela durera encore des semaines, ou des mois.

Préparons le bal et dansons, mais soyons sérieux et prévenants

Alors que la date du 11 mai approche, nous sommes déjà tous en mode « déconfinement », sans toutefois savoir exactement ce que cela veut dire. Nous préparons le bal. Nous choisissons ou confectionnons nos masques, attendons la réouverture des écoles, élisons les meilleurs trajets pour le bureau, réorganisons notre travail à domicile. Nous sommes nombreux à vouloir reprendre le rythme, revenir à la « normale », trouver la sécurité de l’école, du bureau et du travail. Mais demain sera-t-il ainsi ? Comme hier ?

A vrai dire, rien n’est plus sûr. La France devra non seulement réapprendre à vivre mais aussi apprendre à vivre autrement. Il est évident qu’il y aura un avant et un après confinement. La période 17 mars-11 mai 2020 aura été unique dans l’histoire de France, un peu similaire mais loin d’être identique à la Peste Noire de 1342-53, la grippe « espagnole » de 1916-1920 ou le SIDA depuis 1983.

Sans doute faut-il mettre un masque pour se cacher la face devant le drame de cette pandémie Covid-19. Avec près de 250 000 morts à ce jour, il n’y a sans doute pas de quoi aller au bal. Nous sommes toutefois loin, et même très loin, des millions de morts dans le passé, résultant de virus similaires. Cela ne devrait-il pas, toutefois, nous inciter à être sérieux et prévenants dans les semaines et mois à venir pour mieux protéger nos enfants, nos ainés, la santé publique et l’environnement ?
 

Eric Gardner de Béville