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Covid-19 : La Commission européenne publie des orientations concernant la protection des technologies et des actifs européens critiques dans le contexte de la crise actuelle

Par LA LETTRE DES JURISTES D'AFFAIRES / ©ADOBE STOCK

Le 25 mars, la Commission européenne a publié des orientations visant à garantir l'application d'une approche résolue, à l'échelle de l'Union, en matière de filtrage des investissements étrangers, dans le contexte de la crise de santé publique actuelle et de la vulnérabilité économique que celle-ci entraîne. L'objectif est de préserver les entreprises et les actifs critiques de l'Union, notamment dans des domaines tels que la santé, la recherche médicale, la biotechnologie et les infrastructures essentielles à notre sécurité et à l'ordre public, sans compromettre l'ouverture générale de l'Union aux investissements étrangers.

Rappelons que la réglementation de l'Union en vigueur permet aux États membres de procéder, pour des motifs de sécurité ou d'ordre public, au filtrage des investissements directs étrangers (IDE) réalisés par des investisseurs de pays tiers. La protection de la santé publique est reconnue comme étant une raison impérieuse d'intérêt général. En conséquence, les États membres ont la possibilité d'imposer des mesures d'atténuation (telles que des engagements d'approvisionnement destinés à faire face à des besoins vitaux nationaux et de l'UE) ou d'empêcher un investisseur étranger d'acquérir une entreprise ou d'en prendre le contrôle. Pour l'heure, des mécanismes nationaux de filtrage des IDE existent dans 14 États membres. Depuis l'entrée en vigueur, l'année dernière, du règlement de l'UE sur le filtrage des IDE, l'Union dispose de moyens adéquats pour coordonner le contrôle des acquisitions effectuées par des investisseurs étrangers au niveau des États membres.

Dans les orientations qu'elle publie, la Commission invite les États membres qui se sont déjà dotés d'un mécanisme de filtrage à exploiter toutes les possibilités des outils à leur disposition en vertu du droit de l'Union et du droit national pour empêcher les flux de capitaux émanant de pays tiers qui pourraient porter atteinte à la sécurité et à l'ordre public de l'Europe. Elle invite en outre les autres États membres à mettre en place un mécanisme de filtrage complet et, dans l'intervalle, à envisager toutes les solutions possibles, dans le respect du droit de l'Union et des obligations internationales, pour prendre des mesures lorsque l'acquisition ou le contrôle, par un investisseur étranger, d'une entreprise, infrastructure ou technologie spécifique sont susceptibles de faire naître un risque pour la sécurité ou l'ordre public dans l'Union.

La Commission encourage également la coopération entre les États membres, dans l'hypothèse de cas de filtrage d'IDE dans lesquels les investissements étrangers pourraient avoir une incidence sur le marché unique de l'Union. Les acquisitions effectuées par des opérateurs étrangers relèvent d'ores et déjà du champ d'application du règlement de l'UE sur le filtrage des IDE ; elles pourraient faire l'objet d'un examen dans le cadre du dispositif de coopération prévu par le règlement, qui sera pleinement opérationnel à compter d'octobre 2020. En ce qui concerne les mouvements de capitaux, les orientations rappellent dans quelles circonstances particulières la libre circulation des capitaux, notamment en provenance de pays tiers, liée à des acquisitions de participations, peut être restreinte.

La Commission continuera en outre à suivre de près l'évolution de la situation sur le terrain et se tient prête à engager des discussions et à assurer la coordination en cas d'investissement étranger ayant une incidence européenne d'envergure. 

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Covid-19 : Le président de l'APCE invite les États à respecter la CEDH

Le 24 mars, Rik Daems, président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE), a demandé aux gouvernements européens de respecter strictement la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH), lors de l'adoption de mesures d'urgence pour faire face à la crise du Covid-19. Le président de l'APCE a ainsi expliqué que « La propagation du virus Covid-19 a provoqué une crise de santé publique, économique et sociale dramatique dans le monde entier. L'Europe compte parmi les plus durement touchées. Chaque État a la responsabilité de prendre des mesures de protection en cas d'urgence publique. De telles situations peuvent même nécessiter des mesures restrictives qui vont au-delà de ce qui est normalement autorisé par la CEDH. Mais sans garanties appropriées, de telles mesures créent de graves risques pour la démocratie, les droits de l’Homme et l'État de droit ».

Après avoir rappelé que la Convention est adaptable à toutes les circonstances, et continue à réglementer les actions de l'État, même en cas de crise nationale, il a rappelé que l’article 15 permet néanmoins de déroger à certains droits. Les garanties fondamentales de l'État de droit, notamment la légalité, un contrôle parlementaire efficace, un contrôle judiciaire indépendant et des recours internes effectifs, doivent toutefois être maintenus, même pendant un état d'urgence. Il s’agit, selon lui, d’une question de principe démocratique, et aussi d’une condition nécessaire à la confiance des citoyens dans leurs dirigeants, sans laquelle les mesures nécessaires ne peuvent être mises en œuvre avec succès.

Rik Daems a ensuite expliqué que le principe fondamental de proportionnalité limite les mesures qui peuvent être prises, au regard du critère rigoureux de ce qui est « strictement requis par les exigences de la situation ». Les mesures ou restrictions normales autorisées par la CEDH pour le maintien de la sécurité, de la santé et de l'ordre publics doivent être clairement insuffisantes, avant que des dérogations et des mesures d'urgence ne soient autorisées. Un état d'urgence qui nécessite une dérogation à la CEDH doit être limité dans sa durée, ses circonstances et sa portée. Les pouvoirs d'urgence ne peuvent être exercés qu'aux fins pour lesquelles ils ont été accordés, et la durée des mesures d'urgence et leurs effets ne peuvent pas dépasser ceux de l'état d'urgence.

Ainsi, le Président de l'APC appelle donc les États membres, et en particulier leurs parlements, à :

- poursuivre leur lutte contre le virus Covid-19, en appliquant en même temps les garanties établies par la CEDH ;

- réexaminer en permanence la nécessité de maintenir tout état d'urgence et toute mesure prise dans ce cadre, et appliquer à l'expiration de chaque période, une présomption contre la prolongation de l'état d'urgence ; et

- veiller à ce que les contrepouvoirs habituels d’une démocratie pluraliste régie par l'État de droit, continuent de fonctionner dans toute la mesure du possible, en respectant le processus démocratique et l'autorité du parlement et des autorités locales, l'indépendance du pouvoir judiciaire et des structures nationales de défense des droits de l’Homme, ainsi que les libertés d'association et d'expression, notamment de la société civile et des médias.

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