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Covid-19 et couverture assurantielle en droit français

Par Ozan Akyurek, avocat associé, cabinet Jones Day

Dans le contexte de crise sanitaire, les regards se tournent maintenant vers les assureurs afin de déterminer dans quelle mesure les polices d’assurance vont pouvoir couvrir les pertes subies par les entreprises. Cet éclairage explore l’application des mécanismes de force majeure et d’imprévision en matière de contrats d’assurance régis par le droit français.

Le coronavirus face aux polices d’assurance en France

En droit français, et dans les limites légales, il est établi que la délimitation du risque garanti relève de la liberté contractuelle. L’assureur est donc libre d’assurer des risques de grande ampleur et rien ne l’empêche de garantir les conséquences d’une épidémie ou d’une pandémie mondiale. La Cour de cassation a d’ailleurs eu l’occasion de souligner que rien n'interdit à un assureur d'assurer un risque afférent à un événement de force majeure. L’étendue de la couverture assurantielle dépendra donc de la rédaction des stipulations de la police d’assurance.

Le contrat d’assurance face à la force majeure

Lorsque le risque est garanti par la police, l’assureur pourrait tenter de se réfugier derrière le droit commun des contrats et invoquer la force majeure. Pourtant, il est peu probable que la force majeure soit d’une grande utilité pour l’assureur dans la mesure où, débiteur d’une somme d’argent, celui-ci n’est en aucun cas empêché d’exécuter son obligation. Au sens du nouvel article 1218 du Code civil, l’exécution de son obligation par le débiteur doit être rendue impossible, et non seulement plus onéreuse. En pratique, la force majeure ne pourra donc avoir d’effet exonératoire.

Le contrat d’assurance face à la théorie de l’imprévision

L’assureur serait alors tenté de s’abriter derrière le concept d’imprévision introduit par l’ordonnance du 10 février 2016 (à condition bien entendu que la police d’assurance ait été signée après le 1er octobre 2016). Cependant, encore une fois, il est peu probable que la théorie de l’imprévision trouve à s’appliquer en droit des assurances pour plusieurs raisons.

D’abord, le sinistre lui-même ne saurait être considéré comme imprévisible dès lors qu’il est, par définition, garanti. Ce qui est imprévisible ne saurait a priori être garanti et l’aléa, inhérent au droit des assurances, ne doit pas être confondu avec l’imprévisible.

Ensuite, l’article 1195 du Code civil vise spécifiquement le « changement de circonstances ». Seules les circonstances qui entourent le sinistre, et non le sinistre lui-même, sont visées. La survenance d’un sinistre de grande ampleur (la pandémie) ne saurait constituer un « changement de circonstances » imprévisible, dans la mesure où l’amplitude est ici une caractéristique du risque assuré, et donc prévu.  

Enfin, au regard du caractère spécial des dispositions du Code des assurances et en vertu du principe specialia generalibus derogant, il ne nous semble pas que les dispositions de l’article 1195 du Code civil trouveront à s’appliquer. En effet, le Code des assurances prévoit un mécanisme propre en matière d’aggravation des risques (voir not. l’article L. 113-4 du Code des assurances). Ce mécanisme, non rétroactif, ne permet à l’assureur que de dénoncer le contrat pour l’avenir (ou de proposer un nouveau montant de prime).

Quelles perspectives ?

Pour l’heure, si les couvertures assurantielles sont diverses, les assurés ne sont pas démunis et il convient d’ores et déjà de mener une analyse rigoureuse des polices d’assurance souscrites pour déterminer dans quelle mesure les pertes liées à la crise sanitaire actuelle peuvent être prises en charge.

Jones Day Assurance Ozan Akyurek