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Assurance & transformation numérique

Par Luc Bigel et Hamza Akli, DLA Piper

Suite à la première édition de son Guide du Numérique, le cabinet DLA Piper prolonge la réflexion sur l’évolution de la transformation digitale avec la publication de ce deuxième ouvrage. Cet article en est extrait.

Dans le secteur des assurances comme dans tout secteur soumis aux évolutions technologiques, une stratégie digitale efficace est devenue désormais une préoccupation majeure afin de satisfaire des preneurs d’assurance de plus en plus enclins à adapter leurs habitudes qu’ils soient « digital native » ou non. C’est pourquoi les assureurs mais également les distributeurs d’assurance se doivent d’innover, tant pour devancer leurs concurrents traditionnels que pour anticiper les innovations et les modèles dits « disruptifs » censés révolutionner le secteur de l’assurance. Ce livre blanc aborde la question de la transition digitale dans le secteur des assurances et s’intéresse aux défis juridiques, réglementaires et commerciaux que devront relever les acteurs de ce marché déjà qualifié d’hyper concurrentiel afin d’optimiser leurs opérations et processus. L’objectif : favoriser une révolution digitale au sein de leur organisation et plus largement au sein du marché de l’assurance entendu dans son sens large. Les conditions sine qua non d’une mise en œuvre efficace de la mutation digitale de ce secteur nous semblent résider dans plusieurs champs dont notamment la transformation de l’expérience client principalement ou encore l’évolution de la gestion des sinistres intégrant les outils insurtech en passant par l’amélioration des délais de commercialisation et de la rétention client. Toutes ces évolutions contribueront à améliorer la compétitivité des assureurs, leur rentabilité et partant les services offerts aux preneurs d’assurances.

1. Transition digitale du secteur des assurances : Repenser l’expérience client

Dans toutes les parties du globe disposant d’un accès effectif à internet, la digitalisation transforme les attentes des clients. Le nombre d’internautes est passé ces 15 dernières années de 400 millions à 3,2 milliards, selon les derniers chiffres du rapport ICT 2015 de l’ITU.Selon le rapport 2017 de l’ITU les souscriptions de forfaits mobiles ont augmenté annuellement de 20% depuis les cinq dernières années de sorte que l’on recense aujourd’hui presque autant d’abonnements de téléphonie mobile que d’habitants sur la planète. Toujours selon l’ITU, 7 milliards de personnes (soit 95 % de la population mondiale!) habitent dans une zone couverte par un réseau de téléphone cellulaire. Le rythme et l’ampleur de ce phénomène digital impliquent une transformation de l’expérience client de la part des acteurs de l’assurance afin de s’adapter aux exigences de la génération des millenials ou génération connectée.

Par ailleurs, une récente étude sur le digital dans le secteur des assurances révèle que les deux premiers facteurs qui motivent les stratégies digitales des sociétés d’assurance sont l’enrichissement de l’expérience client et un contrôle plus direct de la relation client. Ces exigences nouvelles permettront aux acteurs traditionnels de faire évoluer leurs offres de services et de produits et laisseront le champ libre à des nouveaux acteurs 2.0. 

En dépit de cette prise de conscience, nombre d’acteurs du secteur sont novices en matière digitale, avec moins de la moitié des assureurs qui proposent la fonction mobile pour fournir un devis et seulement 23 % de ces derniers en capacité de soumettre et de traiter les sinistres via une procédure digitalisée. De même que les investissements considérables nécessaires à la transformation des technologies existantes (souvent dépassées), la prise en compte d’exigences réglementaires évolutives et les contraintes liées à la culture interne des acteurs traditionnels constituent autant de freins à la croissance digitale dans le secteur de l’assurance.

Néanmoins, certains assureurs se montrent moins frileux et ont commencé à repenser le modèle économique classique de l’assurance avec la prise en compte notamment de la montée en puissance de l’économie collaborative. Ces nouvelles façons d’appréhender la relation d’assurance s’écartent d’une relation transactionnelle épisodique classique pour adopter une interaction et un engagement avec les clients de plus en plus constants mais néanmoins souples. Ce nouveau virage pris par certains acteurs du monde de l’assurance favorise ainsi la confiance que leur témoignent leurs clients. Pour illustration, le service « Panasonic Smart Home & Allianz Assist », partenariat entre Panasonic et Allianz, relie les systèmes de suivi et de contrôle de maison connectée à des services de protection domestique. Cette solution intégrée emprunte aux principales garanties des polices d’assurance multirisques et protège le domicile des assurés empêchant ainsi les dommages complémentaires dus aux cambriolages, aux bris de vitre/fenêtre et aux fuites d’eau, afin notamment de fournir un service renforcé aux clients par rapport aux produits d’assurance habitation traditionnels. La « Health Keeper Platform » d’AXA constitue un autre exemple de cette évolution, avec une application qui assure un suivi des activités de l’utilisateur et propose également des services médicaux à prix réduit en fonction du degré d’activité du client. Ces nouvelles façons de penser la relation d’assurance permettent ainsi aux assureurs de multiplier leurs opportunités d’interagir directement avec leurs clients.

Par ailleurs, le développement de la digitalisation en matière d’assurance via l’utilisation du big data confronte les assureurs à la maîtrise de nouveaux concepts particulièrement techniques et difficiles à maitriser. Figurent au rang de ceux-ci par exemple la Blockchain et les smart contracts permettant de dématérialiser, sécuriser et tracer des transactions qui devront à notre sens absolument faire partie de l’arsenal digital des assureurs. L’intelligence artificielle joue également un rôle considérable sur la matière assurable tant sur la nature que l’amplitude des risques pris en charge par l’assureur. Enfin, on pourra citer l’assurance collaborative qui connaît un essor important grâce notamment aux réseaux sociaux. Cette «assurance» (sa nature peut être débattue) qui consiste à regrouper des individus afin qu’ils mettent en commun leurs risques et s’assurent mutuellement apparaît comme un système collaboratif de partage des risques au sein d’une communauté à taille humaine.

Le but commun de ces récents programmes de transformation des compagnies d’assurance reste  l’amélioration de la place du client dans la relation d’assurance et la satisfaction de ses besoins  de plus en plus évolutifs et souples. Ces nouveaux programmes ont par ailleurs favorisé l’agilité des méthodes de travail et d’organisation des entreprises afin d’ adapter au mieux cette mutation digitale aux attentes des clients et leur proposer des services innovants et robustes (1.1). Leur principal défi à ce sujet réside dans la simplification de leur activité digitale (1.2).

1.2 Agilité des méthodes de travail

De la même manière que le développement « agile » bouscule le paysage informatique traditionnel, le « travail agile » et les « méthodes agiles » (qui prévoient que les organisations adoptent de nouveaux modes, approches et technologies de collaboration souvent au sein de laboratoires ou de plateformes)  contribuent au programme digital d’une société d’assurance et lui permettent de mettre en œuvre des changements de manière plus rapide et extensible. Les processus et méthodes agiles sont ainsi plus susceptibles de fournir une mise en œuvre adaptée à l’ampleur de la transition digitale en cours. Avec le « Digital Garage » d’Aviva, par exemple, et le « Digital Accelerator » d’Allianz, des assureurs d’envergure créent de nouvelles plateformes réunissant différentes entités de l’entreprise pour créer des groupes de travail agiles en charge d’opérer une rupture avec les modèles d’activité traditionnels, et de piloter ce bouleversement digital. Les assureurs plus traditionnels peuvent également développer cette agilité en interne par le biais de partenariats commerciaux avec des entreprises technologiques très dynamiques ou des cabinets de conseil innovants.

Quels que soient les avantages offerts, ces nouveaux modes de travail ont toutefois un coût et les entreprises doivent se préparer aux principales problématiques juridiques et commerciales qui peuvent se poser quand elles s’associent avec des entreprises tierces – qu’il s’agisse de cabinets de conseil ou d’entreprises technologiques – dans l’optique de soutenir leurs activités de transition digitale. La mise en place de contrats ultra-normés prenant en compte l’ensemble des exigences liées aux politiques de conformité des assureurs peut toutefois se révéler contre-productive privant ainsi de la flexibilité nécessaire au succès d’un développement agile.

On assiste par conséquent à l’avènement d’une méthode de contractualisation hybride. Cette approche paraît plus adaptée à des organisations plus conservatrices, mêlant garanties minimales en termes juridiques, tout en bénéficiant des avantages, des méthodes et des processus agiles.

Le degré de spécificité, la fidélisation du client et la structure commerciale doivent être minutieusement envisagés en insistant sur le volet contractuel des résultats stratégiques et commerciaux (avec des facteurs d’incitation adaptés et des correctifs si ceux-ci ne sont pas réalisés). 

En pratique, l’agilité du travail et de ses méthodes doit reposer également sur une expertise technique certaine et irréprochable. L’utilisation de nouvelles méthodes de souscription des produits d’assurance, de mise en place de canaux de distribution, de gestion de la sinistralité doit être réalisée de pair avec un expertise technique et ne pas se limiter aux seuls aspects juridiques. à titre d’exemple, la souscription de risques Blockchain doit être réalisée avec précaution de manière à mettre en place une déclaration des risques précise et un contours des garanties correspondant exactement à ce que l’assureur peut ou souhaite assurer. Une analyse combinée tant juridique que technique est fortement recommandée de manière à cantonner ou du moins appréhender les risques liées à ces nouvelles méthodes de travail. 

1.2 Processus et simplification de l’activité digitale

Le principal défi à relever pour les assureurs vise à concrétiser la transition digitale « véritable » des systèmes back-office, des processus internes, des modèles d’interaction avec le client, de souscription et de gestion des sinistres pour tout le cycle de l’assurance, ce qui implique plus que la simple création d’un « vernis digital » pour leurs modèles économiques existants.

Nombre de sociétés d’assurance consistent en des organisations complexes d’une certaine envergure, œuvrant sur des plateformes variées et soutenant des centaines de processus d’activités différents, dans de nombreux pays et régions. Pour s’adapter au monde digital, les assureurs doivent consolider et simplifier leurs processus.

Les assureurs sont traditionnellement perçus comme des structures lourdes avec des processus complexes et il a pu être indiqué que leur capacité à réagir aux évolutions du marché de manière réactive était souvent restreinte par des réglementations contraignantes et des investissements dans des systèmes patrimoniaux coûteux. En réalité, la réglementation a pour objectif de permettre le développement de produits dans un objectif de solvabilité d’une part mais également de protection des consommateurs d’autre part. Dès lors, garantir une stratégie digitale est conforme aux objectifs stratégiques de l’assureur, simplifier leur paysage technologique et leurs processus, favoriser une culture de start-up, et permettre le changement digital constituent autant d’éléments pour faire évoluer une activité d’assurance traditionnelle.

Les assureurs sont conscients que cette révolution digitale leur permet de relever un nouveau défi, celui d’être en mesure de transformer avec succès leur interaction avec le client et d’accroître leur part de marché dans un monde toujours plus perméable aux mutations technologiques.

2. Apprentissage automatique et analytique avancée

Les besoins du secteur de l’assurance sont multiples et variés, qu’il s’agisse de comprendre et d’anticiper les comportements clients, d’évaluer les risques complexes ou d’améliorer l’efficacité des processus de production. La technologie est un moyen de parvenir à une fin très précise: élaborer des solutions opérationnelles plus rapides, plus sûres et plus efficaces. Le traitement des données personnelles est également l’enjeu majeur que pose l’essor du numérique. Le respect de la vie privée de chacun, le devenir d’une donnée stockée dans n’importe quelle base et l’utilisation qui en est faite par les GAFA doivent être réglementés. Il est donc nécessaire de lier l’important développement du Big Data (2.1) à une législation appropriée, garantissant le respect et la confidentialité des données (2.2). 

2.1 Big Data

L’émergence de technologies toujours plus sophistiquées améliore la capacité à saisir et à extraire de la valeur de donnée client. Le « Big data » utilise des volumes considérables de données, qui englobent souvent les « données personnelles » des individus à partir d’un large éventail de sources, dans l’optique de démontrer des modèles de comportement et fournir des perspectives qui peuvent éclairer le développement de nouveaux produits et services. La nature et la portée de la data impliquent qu’il peut être difficile de la traiter à l’aide des techniques logicielles et des bases de données traditionnelles. Mais la valeur du Big Data ne cesse de croître et les nouvelles technologies comme l’apprentissage automatique et l’intelligence artificielle, qui fournissent une analyse efficace, deviennent incontournables. Cette technologie identifie des schémas afin de produire des décisions, des prédictions et des résultats fiables à grande échelle. Le Big Data peut permettre aux assureurs d’améliorer le «profilage» des assurés et de cibler au mieux leurs besoins avec une individualisation poussée de l’offre d’assurance et le développement de nouveaux services de prévention en vue d’éviter les sinistres. 

L’apprentissage automatique peut fournir une analyse de la data dès que celle-ci est enregistrée – par exemple, la mise à jour d’une information pour aider à l’identification de la fraude. Il est en mesure d’identifier les opportunités de subrogation, de raccourcir les délais de dépôt de déclarations de sinistres, d’améliorer la prévision des sinistres et le calcul des réserves, et peut contribuer à prévoir quels sinistres sont les plus susceptibles d’entraîner une compensation. Ces avantages peuvent transformer la relation client et générer des économies considérables pour les sociétés d’assurance.

L’apprentissage automatique peut également permettre de surmonter efficacement les silos internes. Compte tenu du mode de stockage et d’obtention de la data, les organisations font souvent face à des obstacles quand elles essaient d’en extraire de la valeur. Nombre de sociétés collectent ainsi des volumes considérables de données non vérifiées et ne disposent pas d’une vision adaptée de la data ainsi stockée. Celle-ci peut être conservée par différentes entités ou départements, et avoir été obtenue selon des consentements et notifications variés. Par conséquent, même si les entreprises acceptent d’extraire de la valeur de la data qu’elles possèdent, elles ne savent pas où est stockée leur data la plus précieuse ni sur quelle base celle-ci a été collectée. L’apprentissage automatique peut servir à casser les silos internes en analysant un éventail de sources, de types et de formes de data opérable.

Mais le phénomène Big Data pourrait être également synonyme de la fin de la mutualisation des risques, principe directeur qui définit la notion même d’assurance. La doctrine universitaire majoritaire définissant la notion d’assurance insiste sur le caractère consubstantiel du contrat d’assurance avec les éléments techniques qui le caractérisent, en particulier la mutualisation du risque qui permet la dilution du risque individuel dans la multitude des risques de même nature, selon la loi des statistiques ; cet aspect particulier est présenté comme un élément inhérent à l’opération d’assurance en ce qu’il justifie le régime particulier applicable, par exemple la proportionnalité entre la prime et l’indemnité ou les règles actuarielles sous-jacentes au régime prudentiel. La mutualisation des risques est ce principe qui permet à l’assurance de remplir son objet social de couverture historique et de protection de tous. Mais en affinant à l’extrême les profilages des assurés permettant une individualisation extrême de la tarification des primes d’assurance, la notion même de mutualisation pourrait être vidée de sa substance et remettre en cause le principe même d’assurance. 

2.2 Impact des réglementations relatives à la confidentialité des données

À mesure que le volume et la diversité de la data augmentent, les difficultés et les défis associés à son utilisation s’accroissent également. Bien que l’analyse du Big Data n’implique pas toujours de données personnelles, une grande part de ses opérations s’appuie souvent sur un traitement exhaustif de ce type de données. C’est dans ce contexte, que dans quasiment tous les systèmes juridiques, le législateur cherche à tenir le rythme de ces évolutions technologiques en mettant en place un arsenal de lois et de réglementations encadrant l’utilisation du Big Data et en s’assurant de la bonne utilisation et de la conservation de ces données.

Au sein de l’Union européenne, le traitement des données personnelles est régi par un corpus juridique qui, s’il garantit efficacement aux individus des droits spécifiques, est souvent considéré comme incompatible avec les opérations relatives au Big Data. Par exemple, la directive 95/46/EC de l’Union européenne (« Directive pour la protection des données ») dispose que les contrôleurs de données, concept qui englobe les assureurs qui traitent le Big Data à l’aide de l’apprentissage automatique, ne collectent les données personnelles que pour les « usages spécifiés, explicites et légitimes ». Elle exige en outre que les données personnelles soient « adaptées, pertinentes et en nombre raisonnable compte tenu de l’objectif pour lequel elles sont collectées et/ou traitées. Or, l’analytique du Big Data implique en général la collecte du volume maximal de données auprès du plus grand nombre de sources possibles, avant leur exploitation et leur réaffectation à d’autres utilisations.

Le Parlement européen a adopté dernièrement le Règlement général sur la protection des données (RGPD) qui a modifié en profondeur la manière dont les entreprises et les individus gèrent leurs données. Le Règlement est appelé à se substituer à la Directive sur la protection des données et s’appliquer automatiquement dans tous les États membres. Les organisations soumises au Règlement ont eu jusqu’au 25 mai 2018 pour se préparer et nombre de sociétés d’assurance ont mis en place les chantiers nécessaires même si en pratique, certains aspects ne sont pas totalement finalisés. Ce besoin est d’autant plus pressent que la CNIL a manifesté son intérêt particulier pour cette industrie. En ce sens, l’autorité administrative indépendante a émis par la voie de cinq délibérations en date du 11 octobre 2018, des mises en demeure adressées à différentes sociétés d’assurance. Il a été prouvé que ces sociétés rappelées à l’ordre se servaient des données recueillies dans le cadre de leur mission d’intérêt général auprès des fédérations professionnelles de secteur afin de réaliser de la prospection commerciale. Or, ces données personnelles n’étant censées servir qu’à recouvrer les cotisations et payer les allocations de retraite, la CNIL a estimé qu’il s’agissait là d’un détournement de finalité et leur a accordé 1 mois pour faire cesser ce détournement.

L’un des principaux changements proposés tend à renforcer notamment les conditions d’utilisation de données dans l’optique d’un « profilage » des clients. Les individus auront le droit de ne pas être soumis à une décision qui serait fondée uniquement sur un traitement automatisé et qui produirait des effets juridiques ayant un impact sur l’individu. Ce qui est susceptible d’inclure par exemple les calculs de primes d’assurance et l’analyse de la probabilité qu’un individu dépose un sinistre pour son assurance automobile ou maladie. Cela pourrait éventuellement inclure les calculs automatiques de primes d’assurance. Le profilage fondé uniquement sur des données sensibles, à l’instar des données médicales, est interdit. Le profilage fondé sur des données anonymes est acceptable, sous réserve que les données ne puissent pas être associées à un individu en particulier.

En pratique, l’impact du RGPD est également présent en matière de distribution d’assurance. Les conventions et protocoles de distribution doivent contenir des dispositions lourdes en matière de respect de RGPD ce qui est parfois difficilement compatible avec la nécessité de manager la distribution commerciale avec des intermédiaires d’assurance qui ne sont pas en mesure de gérer ces dispositions. Là encore, un renouveau des modèles est à anticiper. 

Le nouveau Règlement requiert un modèle de consentement plus actif, dans l’optique de soutenir le traitement juridique des données personnelles. Chaque fois que le consentement est requis pour le traitement des données personnelles, celui-ci doit être explicite et non pas implicite. Le Règlement requiert des organisations qui utilisent les informations pour l’analytique de données qu’elles soient en mesure de prouver que les individus comprennent et approuvent réellement l’utilisation de leurs données. Cette nouvelle exigence pourrait poser problème aux assureurs et est susceptible de nécessiter une évolution considérable de la manière dont le consentement est obtenu auprès des clients et géré au sein des sociétés d’assurance (y compris dans les bases de données historiques).

Avec la récente décision du Royaume-Uni de sortir de l’Union européenne, le Règlement ne s’appliquera plus directement aux assureurs du Royaume (sauf si l’assureur en question cible des ressortissants de l’Union européenne). Le Royaume-Uni reste et restera toutefois engagé en faveur de la conformité en matière de protection des données. L’Information Commissioner’s Office (ICO) a ainsi déclaré récemment qu’il souhaite la mise en place au Royaume-Uni de lois équivalentes à celles instituées par le Règlement, dans l’optique de fournir la « pertinence » nécessaire pour soutenir les transferts de données au Royaume-Uni depuis l’UE. 

Parallèlement, la cybersécurité représente un risque croissant et un domaine d’attention réglementaire renforcé. De nouvelles recommandations actualisées ont été publiées par le législateur en Asie par exemple. À la lumière de ces différents développements, les équipes risque et conformité des assureurs en Asie doivent non seulement se concentrer sur les obligations de conformité en matière de cybersécurité immédiate qui proviennent des dernières réglementations mais aussi garantir que des programmes de conformité proactifs soient développés pour tenir compte de la dépendance toujours plus forte à la technologie et à la data.

Avec cette évolution du paysage réglementaire, on devrait continuer d’observer une augmentation de la réglementation autour du Big Data. Une nouvelle fois, il peut être également considéré qu’il s’agit là d’une opportunité pour les assureurs. La recherche active de solutions pour garantir la conformité leur permettra non seulement de consolider des méthodes innovantes pour monétiser leurs données client, mais également de garantir que l’organisation maintient et assoit la confiance auprès de sa base clientèle. La mise en place d’une infrastructure et du cadre de gouvernance adaptés pour soutenir efficacement l’utilisation du Big Data peut permettre aux entreprises de consolider une meilleure relation avec leurs clients et prospects, notamment quand il s’agit d’utiliser des techniques d’analytique avancée et de Big Data.

3. Le digital transforme-t-il le paysage réglementaire ?

L’assurance tendant à devenir un secteur de plus en plus régulé au point d’apparaître comme un problème majeur dans ce secteur, les compagnies d’assurance vont devoir consacrer d’importants moyens financiers et humains pour répondre à ce challenge juridique. 

Ainsi, si le digital apporte plusieurs transformations dans les différents secteurs du droit, l’innovation amorcée par le digital se voit opposer néanmoins plusieurs challenges (3.1), que des plateformes ont tenté de détourner (3.2). Ces solutions proposées par des organismes indépendants (3.3) n’attendent plus que d’être soutenues par une législation de plus en plus conséquente, devant concilier droit de la consommation et protection des données personnelles (3.4).

3.1 Les challenges réglementaires à l’innovation dans les secteurs insurtech

Un des premiers challenge réglementaire dans le secteur de l’insurtech est de définir dans quelle mesure une nouvelle activité est réglementée ou soumise à des contraintes particulières. 

Ce travail est parfois d’autant plus complexe qu’aux dates auxquelles ont été rédigées les textes du Code des assurances ou du Code Monétaire et Financier, ces nouvelles technologies et ces concepts étaient encore inconnues. Par conséquent, il sera d’autant plus nécessaire d’interpréter la loi dans son but téléologique initial et de la concilier avec les nouveaux impératifs de protection du consommateur.

Par ailleurs, dans plusieurs pays, les réglementations imposent des règles de protection des consommateurs pour la vente de produits d’assurance qui ne sont pas adaptées à un environnement digital très évolutif. Par conséquent, l’utilisation du passeport européen et en particulier du régime de la libre prestation de services est rendue plus complexe à mettre en œuvre en l’absence de textes harmonisés.

Enfin, et surtout, il convient de faire coïncider les exigences du Code des assurances et du Code Monétaire et Financier à l’activité Insurtech ainsi qu’avec les préconisations de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (« ACPR »). à titre d’exemple, lors de la distribution d’un produit d’assurance, le parcours client devra être en mesure de remplir les conditions du devoir de conseil nécessitant un travail pédagogique de recueil des besoins et de reformulation des capacités du client et cela, indépendamment de la forme de souscription utilisée. L’utilisation de nouvelles technologies devra être réalisée de manière à respecter ces impératifs. 

3.2 Que faire ?

Diverses initiatives ont été prises par les autorités de régulation européennes afin d’aider à l’accompagnement des entreprises d’assurance dans ce nouveau contexte technologique et réglementaire.

C’est dans ce contexte que le Project Innovate de la FCA, autorité de contrôle britannique, a communiqué sur sa volonté d’ouvrir ses portes aux entreprises développant des approches innovantes, à même de profiter à tous les consommateurs. Elle considère l’innovation digitale comme essentielle pour consolider son objectif statutaire de promouvoir la concurrence. En ceci, elle est alignée sur la politique du gouvernement britannique qui souhaite la promotion du secteur digital.

La plateforme d’innovation offre aux acteurs qui souhaitent développer de nouveaux concepts des assistants dédiés, des conseils et le cas échéant des recommandations sur les questions réglementaires spécifiques. L’organisme cherche en priorité à fluidifier le processus d’autorisation pour les entreprises innovantes, afin de soulever intérêt et innovation dans ce domaine. L’autorité a ainsi aidé 177 start-ups au cours de sa première année d’exploitation et a refusé les candidatures de plus de 150 autres entreprises ayant échoué à satisfaire à ses critères.

En France, on soulignera l’initiative de l’ACPR qui a mis en place une cellule dite «Fintech et Innovations» (qui s’applique également à l’assurance). L’objectif est de permettre la mise en place d’une plateforme permettant aux acteurs traditionnels et émergeants de pouvoir appréhender la législation applicable et d’identifier des interlocuteurs susceptibles de les accompagner dans les démarches réglementaires. Cette cellule est d’autant plus importante qu’elle permet d’avoir une interprétation des textes, le cas échéant, par le régulateur prudentiel.

3.3 Bacs à sable réglementaires

Parallèlement à l’accompagnement des entreprises d’assurance au niveau du respect des exigences réglementaires, les autorités de contrôle ont également fait montre d’innovation en créant des structures adaptées permettant le développement de nouveaux produits d’assurance considérés comme « à risque ».

C’est ainsi qu’au Royaume-Uni, la FCA a officiellement lancé son « bac à sable » qui consiste en un espace sécurisé dans lequel les produits insurtech et/ou fintech peuvent être testés par des start-ups non autorisées ou encore des entreprises déjà habilitées souhaitant tester des concepts n’entrant pas facilement dans le cadre réglementaire existant. Cette approche devrait permettre de réduire le délai de commercialisation et d’améliorer l’accès au financement (en réduisant les incertitudes réglementaires) afin de permettre à terme, l’introduction de nouveaux produits favorisant la concurrence et donc les services offerts aux consommateurs. Dans l’enceinte du bac à sable, des entreprises peuvent rester soumises à des restrictions tout en testant leurs idées. Quand la FCA est satisfaite et considère que tous les critères d’autorisation réglementaire sont respectés, les restrictions peuvent être suspendues.

Par ailleurs, d’autres législateurs suivent l’exemple de la FCA et encouragent l’innovation digitale 

En Australie par exemple, l’autorité de contrôle locale, l’ASIC, cherche à mettre en place un bac à sable sur un modèle similaire et l’organisme a déjà déployé une plateforme d’innovation. L’ASIC se targue également d’un processus d’autorisation beaucoup plus rapide pour les nouvelles entreprises – celles-ci sont ainsi habilitées dans un délai de 60 jours après candidature. Au Royaume-Uni et dans d’autres juridictions, le processus peut nécessiter jusqu’à un an. La Singapore Monetary Authority (MAS) cherche également à développer un bac à sable et de manière plus générale à aider Singapour à développer une plateforme asiatique insurtech et fintech.

D’autres législateurs se montrent pour le moment beaucoup plus frileux à l’instar de l’Allemagne, par exemple, ou la Bafin a refusé les demandes pour un bac à sable et insiste pour que les organisations insurtech et fintech qui opèrent dans un domaine soumis à autorisation se conforment aux mêmes réglementations que les organismes déjà établis.

3.4 Un accroissement de la réglementation: quelles opportunités pour aider les innovateurs ?

Dans plusieurs juridictions, les législateurs et les pouvoirs publics sont de plus en plus enclins à adapter les réglementations existantes afin d’encourager l’innovation et la croissance du digital. La FCA a ainsi déclaré, envisager un assouplissement des réglementations juridiques pour faciliter l’innovation. 

Au sein de l’Union Européenne, et plus particulièrement dans le secteur des assurances, la mise en place de la réglementation de cette matière a été récemment plus forte notamment avec la récente mise en œuvre du corpus Solvency II, la transposition de la Directive sur la Distribution de l’Assurance ou encore, les changements mis en œuvre à la suite du Règlement sur la protection des données. Ces réglementations ont un impact fort dans l’utilisation et la mise en place de modèles relatifs aux nouvelles technologiques dans le secteur des assurances et devront être pris en compte qu’il s’agisse d’intelligence artificielle, de blockchain ou d’assurance collaborative.

À l’heure actuelle, législateurs et gouvernements nationaux de l’Union Européenne disposent d’une marge de manœuvre réduite s’ils souhaitent agir individuellement pour réduire l’impact des règles édictées à l’échelle européenne. Il appartient donc à d’autres types d’acteurs de permettre une interprétation favorable des textes et des pratiques aux développements des initiatives digitales. En ce sens, l’ACPR et sa cellule Fintech et Innovation en sont un exemple. Pour les assureurs, il nous semble que l’alliance de la maîtrise technique et juridique des nouveaux projets sont la clef d’une réussite pour profiter de la révolution digitale.

Au plan européen, on soulignera également que le Brexit peut être une chance pour attirer le secteur technologique hors du Royaume-Uni vers des territoires qui garantissent un accès moins restreint à un vivier de talents élargi et permettant le rattachement au marché unique européen. Surtout, les libertés communautaires de régime de liberté d’établissement et de libre prestation de services sont des outils permettant aux acteurs d’intervenir sur un marché plus large et de manière réglementaire simplifiée. Ainsi, à l’heure où chaque juridiction cherche à se présenter comme un endroit favorable aux évolutions technologiques, ces libertés communautaires pourraient conduire une fois de plus à une évolution et une modernisation de la réglementation de l’Union européenne. Quel que soit le cadre réglementaire qui s’appliquera, le législateur continuera à tendre vers un équilibre oscillant entre favoriser l’innovation et réaliser ses objectifs de protection des assurés, preneurs et bénéficiaires d’assurance.

La déclaration de Bob Ferguson, chef du Project Innovate de la FCA en est l’illustration parfaite : « l’innovation n’est en aucun cas une sorte de dissolvant universel qui s’affranchirait du besoin de respecter les exigences destinées à protéger les consommateurs ou l’intégrité des systèmes financiers. Elle ne doit pas servir d‘excuse pour se monter moins vigilant ».

Conclusion

Pour le secteur des assurances, la transition digitale est aujourd’hui une question cruciale. À l’évidence, les assureurs en ont conscience et s’attèlent à la recherche de nouveaux moyens pour optimiser leurs opérations et processus avec des méthodes de travail, plus agiles, plus souples.

Une stratégie de transition digitale est ici essentielle pour créer des parcours client plus fluides, plus efficaces, mais surtout pour améliorer l’expérience client dans son ensemble. Bâtir la confiance avec les clients tout en restant dynamique et en optimisant la stratégie digitale reste un réel défi. Le Big Data ou encore la Blockchain offrent un large éventail d’opportunités pour s’engager auprès des clients et aider les entreprises d’assurance à mieux les comprendre (ainsi que leurs habitudes). 

Pour acter le changement et se tourner vers l’avenir, les assureurs doivent repenser les modèles traditionnels. Les assureurs qui mettent en place ces nouveaux modèles bénéficient déjà d’une traction vitale et gagnent des parts de marché, deux avantages qui devraient aller croissant avec le temps et le développement de la technologie.

Le moment est décisif pour le secteur. Ces nouvelles technologies sont considérées comme des sources de solution aux sujets de préoccupation des assureurs, concernant leurs nécessaires innovations technologiques.

Aussi, les organisations qui sont en mesure de tirer profit de la transition digitale et de cette rupture au sein du secteur, tout en négociant les risques juridiques, réglementaires et commerciaux, seront celles qui en sortiront gagnantes. On l’aura compris, l’innovation doit devenir un élément central de la stratégie des entreprises d’assurance d’où la nécessité de changer la culture et la structure d’organisation des assureurs traditionnels dans un contexte d’hyper-règlementation, tel est le challenge à relever.

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