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Alternance : le chaînon manquant entre la fac et l’entreprise

Par Clémence Dellangnol

Cet article a été publié dans LJA Le Mag n°46 janvier/février 2017

Un pied à l’université, un pied dans l’entreprise, les étudiants en alternance acquièrent tout à la fois connaissances théoriques, expérience pratique et soft skills chères aux recruteurs. Une formule qui se développe, dans le public comme dans le privé, et séduit un nombre croissant de directions juridiques.
L’Université Paris-Saclay, Toulouse 1 Capitole, Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Paris 2 Panthéon-Assas, l’Inseec, la Faculté libre de droit de Lille… Depuis quelques années, dans le public comme dans le privé, les cursus de juriste d’entreprise en alternance se multiplient. À côté des masters en formation initiale, ces filières proposent des parcours professionnalisants, privilégiant l’expérience en entreprise et débouchant sur un diplôme reconnu. Une voie choisie par un nombre croissant d’étudiants, qui comporte de réels atouts… à condition d’être capable de tenir le rythme.

Un succès immédiat
La création des premières filières remonte à une dizaine d’années, avec l’ouverture en 2008 du MBA spécialisé en droit des affaires et management-gestion de l’École de droit et management d’Assas, puis en 2009, d’un master de droit social et gestion des ressources humaines à l’Université catholique de Lille. « À l’époque, l’alternance existait depuis longtemps dans d’autres métiers – RH, comptabilité, marketing – mais c’était encore inédit dans le milieu juridique, rappelle Denis Simon, directeur du career centre des facultés de la Catho de Lille. Si cela fonctionnait ailleurs, il n’y avait aucune raison que l’apprentissage ne réponde pas aux attentes des étudiants et des directions juridiques. » Le succès est immédiat. Dès la première année, la promotion enregistre 25 inscriptions. Et à partir de 2014, les masters proposés par la nouvelle antenne parisienne de la Catho le sont exclusivement en alternance. « Avec une zone de chalandise comme Issy-les-Moulineaux, il nous a fallu dédoubler des promos », poursuit Denis Simon. Un tel engouement s’explique par les évolutions de la profession, estime Nicolas Bodin, responsable juridique d’InterCloud et co-responsable du comité des jeunes juristes de l’Association française des juristes d’entreprise (AFJE) : « En fac de droit, la théorie domine. Or, en entreprise, on demande aux juristes d’être opérationnels et pragmatiques. Nous sommes des business partners, les mains dans le cambouis. Une formation à double entrée comme l’alternance apparaît comme une préparation bien plus appropriée. »

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Hélène Boissan, directrice juridique chez AIG France ©Benjamin Louis


Directrice juridique chez AIG France, Hélène Boissan confirme l’analyse : « Au quotidien, le juriste doit savoir reformuler les questions posées par ses interlocuteurs opérationnels, identifier leurs objectifs, adapter le langage juridique sans détériorer la qualité de l’information… Pour tout cela, il faut connaître le business. Ça s’apprend ! Mais on apprend forcément mieux sur le terrain qu’en restant uniquement sur les bancs de la fac. »

Depuis peu, des avocats commencent également à s’y intéresser, comme le cabinet SEFJ Avocats, à Paris. « C’est encore assez rare, reconnaît Odile Sulem-Banoun, associée au sein de ce cabinet spécialisé en droit des affaires. Dans la plupart des cabinets, même ceux qui ne plaident jamais sont avocats. Nous, nous sommes d’anciens conseillers juridiques et nous avons quinze salariés, dont neuf juristes qui suivent des dossiers sous la responsabilité des associés. Donc, culturellement, nous sommes plus ouverts à l’alternance. »
Un profil idéal pour les entreprises

En pratique, les candidats à l’apprentissage n’ont guère de mal à trouver un contrat. Voire, ce sont les employeurs qui leur font la cour.


En pratique, les candidats à l’apprentissage n’ont guère de mal à trouver un contrat. Voire, ce sont les employeurs qui leur font la cour. Après une formation généraliste en droit des affaires à l’Université de Cergy-Pontoise, Jérémy Silva s’est inscrit au master de développement RH et de droit social de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. « J’ai un profil très junior, et je voulais compléter mon parcours par un apprentissage plus opérationnel », explique-t-il. La fac a diffusé son curriculum vitae dans son réseau de partenaires. En quelques jours à peine, les propositions ont afflué : Chanel, L’Oréal, la SNCF… Plusieurs grandes entreprises l’ont reçu en entretien. « Les candidats ont vraiment le choix, donc lorsqu’on est intéressé par un profil, il faut être très rapide », confirme Hélène Boissan, chez AIG France. Après avoir comparé les offres, Jérémy Silva a retenu celle d’Areva. Son critère ? Le contenu du poste. « Le périmètre d’activité du groupe permet de toucher à différentes matières : droit social, fusions-acquisitions, contentieux, conseil aux services, augmentations de capital… Et puis, après plusieurs plans de départ, les effectifs sont réduits. Donc, je ne suis pas cantonné aux tâches subalternes. J’effectue les mêmes missions qu’un juriste junior. » D’après les témoignages de ses camarades, l’alternance serait plus ingrate dans des équipes plus étoffées. « C’est vrai que les directions juridiques ont été comprimées dans un certain nombre d’entreprises, sans possibilité de recruter, alors que la masse de travail est importante, reconnaît Didier Simon, de la Catho de Lille. Ce phénomène profite à l’alternance. » Moins débutants que les étudiants de licence, clairement intéressés par l’entreprise – contrairement aux stagiaires-avocats venus pousser la porte dans le cadre de leur projet pédagogique individuel –, en place pour une voire deux années, les alternants présentent le profil idéal pour soulager des directions juridiques en sous-effectif. Et ce, sans ruiner l’entreprise : le salaire ne peut excéder 85 % du Smic ou du salaire minimum conventionnel de la branche.
Un rythme soutenu pour les étudiants

Pas de mystère : pour tenir le rythme, les jeunes doivent faire preuve de ténacité et de motivation.


Comme dans les autres secteurs, la formule repose sur la succession de journées de cours et de périodes en entreprise, avec des organisations variables d’une institution à l’autre : deux jours/trois jours, une semaine/une semaine, un mois/deux mois… Pour les étudiants, l’emploi du temps est chargé, car l’enseignement n’a rien à envier à la filière de formation initiale : « En master 2, les alternants reçoivent 450 heures de cours, soit autant que leurs camarades », souligne Denis Simon. Pas de mystère : pour tenir le rythme, les jeunes doivent faire preuve de ténacité et de motivation. « Le cursus demande énormément de travail », reconnaît Émilie Silva Goncalves, qui vient de décrocher le diplôme du M2 de juriste d’entreprise de l’Université Paris-Saclay après un an au service de droit du transport et de la réglementation d’Air France. « Avec des journées de cours de 8h30 à 19h30, l’emploi du temps était très chargé », décrit-elle. Les étudiants doivent « s’engager en connaissance de cause », affirme Jérémy Silva : « Les journées sont longues, le rythme soutenu, et passer d’un univers à l’autre demande à chaque fois un petit effort intellectuel. » Sans oublier les temps de transport, la préparation des examens, les exposés, ou encore les travaux de groupes.
Le nécessaire investissement des tuteurs
Du côté de l’entreprise aussi, l’accueil d’alternants implique un véritable investissement. « L’expérience doit présenter un intérêt pour le jeune, sinon ça ne sert à rien », affirme Hélène Boissan, dont le service accueille sa quatrième étudiante. « Même quand ils commencent à prendre un peu d’autonomie, les alternants travaillent toujours en supervision, explique-t-elle. On relit, on demande des approfondissements, on écrit les mails ensemble… Cela demande du temps. » Un investissement indispensable pour que l’expérience soit profitable : « Si on se contente de leur donner des recherches à effectuer puis d’exploiter la matière qu’ils ont récoltée, ils n’apprendront pas grand-chose », poursuit-elle.
Quatre mois après son arrivée au sein du cabinet SEFJ, l’étudiante qu’accompagne Odile Sulem-Banoun a « pris ses marques », observe l’avocate. « Elle prépare les bordereaux de pièces communiquées, elle note ses questions, on fait le point ensemble… C’est vrai que c’est chronophage, mais où serait l’intérêt de la laisser se débrouiller toute seule ? » Veille juridique, notes à insérer dans la newsletter destinée aux clients, questions urgentes… Chaque lundi matin, l’équipe définit les tâches qui seront confiées à la jeune femme. « Nous nous efforçons de lui assigner une charge de travail cohérente par rapport à sa présence dans le cabinet, assure sa tutrice. Son rythme de présence ne pose aucune difficulté. »

Une source d’enrichissement mutuel

Si les collègues se montrent plutôt compréhensifs, certains interlocuteurs opérationnels, pas toujours informés de cette situation particulière, peuvent en revanche s’impatienter lorsque leur demande n’est pas traitée avec la diligence souhaitée : au tuteur d’intervenir pour lever les incompréhensions


Aucune difficulté ? Les étudiants, eux, sont moins affirmatifs. « L’absence en entreprise se fait ressentir, témoigne Jérémy Silva. Ne serait-ce que quand il faut ouvrir tous les messages non lus après deux jours à la fac ! » Si les collègues se montrent plutôt compréhensifs, certains interlocuteurs opérationnels, pas toujours informés de cette situation particulière, peuvent en revanche s’impatienter lorsque leur demande n’est pas traitée avec la diligence souhaitée : au tuteur d’intervenir pour lever les incompréhensions. Émilie Silva Goncalves, elle, retient surtout une petite frustration : « Je passais une semaine à la fac, puis une semaine au bureau, raconte-t-elle. Cinq jours d’absence, c’est très long. On m’a donc surtout confié des dossiers ponctuels, au détriment de sujets plus enthousiasmants, mais qui nécessitaient davantage de suivi. » Autre regret : des enseignants pas toujours prêts à jouer le jeu. « Certains n’admettaient pas qu’on ait du mal à rendre tous les travaux dans les temps, comme si nous pouvions être aussi assidus que les étudiants de formation initiale. »
Tout l’intérêt de l’alternance réside pourtant dans ces allers-retours constants entre la théorie et la pratique. Y compris pour les employeurs, qui y voient l’occasion de rafraîchir leurs connaissances. « Même si nous assurons une veille pour nous tenir à jour, les étudiants baignent encore dans le milieu universitaire et sont donc une source d’enrichissement », remarque Hélène Boissan, chez AIG. « En tant que juriste, on devrait se méfier des réflexes et ne jamais travailler par habitude, affirme Nicolas Bodin, chez Intercloud. Quand un jeune professionnel interroge nos pratiques, c’est très stimulant. »

Quid de l’insertion professionnelle ?
Reste à savoir si, à l’issue de la formation, l’accès à l’emploi des jeunes diplômés de l’alternance est accéléré. Une chose est sûre : s’ils le pouvaient, la plupart des tuteurs apprécieraient que leur protégé soit embauché. « On aimerait beaucoup les garder, affirme Hélène Boissan. Ils ont appris le métier avec nous, ils se sont intégrés dans l’équipe et ils partent juste quand ils commencent à pouvoir travailler en autonomie. C’est parfois un peu frustrant. » Compte-tenu du gel des embauches dans nombre d’entreprises, « le taux de transformation en CDI ne dépasse pas 40 % », reconnaît Denis Simon, à la Catho de Lille.

Compte-tenu du gel des embauches dans nombre d’entreprises, « le taux de transformation en CDI ne dépasse pas 40 % », reconnaît Denis Simon, à la Catho de Lille.


Mais l’insertion professionnelle s’avère tout de même plus rapide, estime-t-il. Ce qui n’étonne pas Odile Sulem-Banoun : « Nous avons vraiment de grosses difficultés de recrutement, déplore-t-elle. Nous sommes souvent déçus par les jeunes collaborateurs. Ils ont de très beaux CV, beaucoup de connaissances, mais, malgré les stages, il leur manque l’esprit pratique et le savoir-être. Ils sont perdus et ne répondent pas à nos attentes, contrairement à un diplômé en alternance qui présentera un profil plus opérationnel. »

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Yasmine Habchi ©Benjamin Louis


Pour Yasmine Habchi, consultante senior en recrutement juridique et fiscal au sein du cabinet Fed Légal, ce long séjour en entreprise constitue indéniablement « un plus » sur le CV d’un débutant. « Bien sûr, l’entretien reste décisif, rappelle-t-elle. Mais l’apprentissage est bien une première expérience professionnelle, ce qui est moins le cas des stages de courte durée. Les jeunes diplômés qui en sont issus présentent davantage de maturité. Leur projet est mieux défini. Ils comprennent plus vite l’écosystème de l’entreprise et, surtout, ils ont eu le temps d’acquérir et développer les soft skills auxquelles les managers sont si attentifs. »
Avec l’entrée progressive sur le marché de juristes juniors issus de ces filières, l’alternance devrait gagner en notoriété. Du côté des universités, des freins restent à lever, notamment sur le plan du financement par les organismes paritaires collecteurs agréés (Opca). Nicolas Bodin, lui, en est convaincu : l’alternance constitue le « chaînon manquant » entre l’université et l’entreprise. « Une légende tenace parmi les étudiants voudrait que le juriste d’entreprise soit un peu le second couteau de l’avocat. L’alternance m’apparaît donc comme un formidable outil d’évangélisation. Non, nous n’avons pas à rougir face aux métiers de droit pur. Et oui, nous pouvons faire de belles carrières. »
étudiants en droit alternance université

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